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sa méthode; mais lui-même, sans renoncer à son allure, sans forcer son naturel, a plus d’une fois usé de ce moyen, surtout dans ses deux derniers volumes. Les questions s’y présentent plus ramassées, plus groupées, plus ordonnées, et l’intérêt n’en est que plus pressant.

Qu’on nous permette, avant de terminer, de revenir en quelques mots sur ces deux derniers volumes. Nous tiendrions à dire, mieux que nous ne l’avons fait, pourquoi nous les préférons aux quatre autres. Ce n’est pas seulement parce que l’ordonnance en est peut-être plus heureuse, parce que l’auteur, plus maître de sa matière, la domine de plus haut et se laisse aller plus souvent à ces considérations générales, à ces aperçus d’ensemble, indispensables, selon nous, pour élever l’histoire au-dessus de l’anecdote et lui donner toute sa grandeur morale; le vrai motif de notre préférence, ce qui nous fait trouver cette troisième partie de l’ouvrage plus neuve et plus originale que les deux autres, c’est que le sujet, merveilleusement approprié à l’esprit sagace, à la fine raison de l’auteur, n’a jamais été si bien vu, si bien compris, si franchement exposé. Ce sujet, c’est le gouvernement révolutionnaire. La convention, dans les deux premières phases de son histoire, est une faction victorieuse qui prend possession de sa conquête, qui use de sa force, en abuse, extermine ses adversaires, mais ne prétend en aucune façon constituer un gouvernement régulier. Dans la troisième, au contraire, elle voudrait fonder quelque chose, elle voudrait s’établir dans le pays qu’elle a conquis, elle voudrait gouverner en un mot; elle comprend que gouverner, c’est reconnaître certaines règles de modération et de justice; elle aspire à devenir juste et modérée : d’où vient qu’il lui est interdit de l’être? C’est là ce que M. de Barante nous apprend et nous explique à chaque page, pour ainsi dire, de ses deux derniers volumes.

Les historiens de la convention, ceux-là même qui, sans épouser ouvertement sa cause, sont pleins de prédilection et d’excuse pour l’esprit révolutionnaire, ne peuvent, en présence de la terreur et du sang qu’elle fait ruisseler, rester froids et impassibles, il y en a même qui, à propos de ces temps désastreux, exhalent une indignation tout aussi chaleureuse que celle de M. de Barante; mais, une fois venu le 9 thermidor, ils se tiennent pour contens, et paraissent étonnés que tout le monde ne le soit pas comme eux : ils ne comprennent pas que la France fasse tant de difficulté à se laisser conduire par cette convention qui veut bien lui accorder la vie sauve; ils s’en prennent de la mauvaise grâce du pays à la fureur, à l’entêtement des partis; ils s’en prennent à l’étranger, à tout le monde, excepté à la convention elle-même. Il n’y a qu’une chose qu’ils ne voient pas,