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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 octobre 1853.

Au moment où les événemens peuvent se presser en Orient, au moment où chacun les interroge avec anxiété pour savoir s’ils vont suivre leur cours, ou s’ils vont s’arrêter tout à coup devant quelque expédient suprême tenu en réserve par l’esprit de conciliation, résumons encore une fois les faits les plus récens dans ce qu’ils ont de plus caractéristique, d’incohérent même souvent et de contradictoire. La vérité est qu’il n’est point de jour où quelque changement de décoration ne survienne dans cette terrible question. La nouvelle de la veille n’est plus déjà celle du lendemain ; les bruits se succèdent pour se détruire l’un l’autre. Ceux qui se croient le mieux informés risquent fort d’être en retard d’une dépêche, et naturellement les craintes varient comme les espérances. Oscillations singulières dont on ne se rendrait pas compte, si on n’en pénétrait le secret, si on ne savait d’où elles naissent et où elles tendent ! Au milieu de toutes les alternatives par lesquelles est déjà passée la question orientale depuis qu’elle est devenue la plus puissante préoccupation de l’Europe, il y a deux tendances permanentes qu’il est facile de reconnaître : il y a ce qu’on pourrait appeler la logique des choses ; il y a la fatalité des passions, des antagonismes ; il y a en un mot cet amas de difficultés en apparence invincibles, qui semble inévitablement conduire à une guerre entre la Russie et la Turquie, et il y a en même temps la crainte d’une conflagration universelle qui domine les conditions du différend local et, ramène incessamment à la paix. L’une de ces tendances se traduit en froissemens, en manifestes, en commencemens d’hostilités ; l’autre se traduit en négociations, en médiations, en combinaisons toujours inutiles jusqu’ici et toujours reprises. L’imminence des conflits rappelle la diplomatie à l’œuvre dès que les faits deviennent trop pressans, et l’impuissance de la diplomatie, quand elle devient trop patente, ne laisse plus de place qu’aux incalculables conséquences d’une lutte déclarée. C’est ainsi qu’on va depuis six mois, flottant entre la