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objections. Le rôle purement narratif et impassible qu’elle prête à l’histoire exige, même en présence des plus horribles catastrophes, des plus déchirantes douleurs, l’emploi d’un coloris toujours égal qui fuit les grands effets de l’ombre et de la lumière, d’un dessin toujours sobre qui se borne à tracer des contours sans en accuser aucun de peur de rien outrer. Un peu plus de modelé et de perspective, un peu moins de laisser-aller, exciteraient peut-être, sans dommage pour la vérité, plus d’émotion et de sympathie; mais d’un autre côté, nous l’avons déjà dit, cette méthode a des vertus singulières : lisez ce livre jusqu’au bout, et voyez quelle impression vous en aurez reçue; sans que l’auteur ait eu l’air de s’en mêler, il a redressé vos jugemens, dirigé votre opinion. Plus il s’abstient d’exciter la passion, plus votre raison l’écoute avec confiance. Ces longues citations, ces récits peu condensés, cette indifférence apparente, cette modération imperturbable, sont les plus excellens moyens d’entier dans les esprits et de forcer les convictions. Nous n’oserions donc pas, quand nous en aurions le pouvoir, changer quoi que ce soit au fond même du livre; mais il est des changemens purement matériels que nous demanderions avec moins de scrupule. Une indication plus fréquente des dates soit en marge, soit dans le texte même, des divisions de chapitres plus multipliées et coupant mieux chaque phase principale du récit, telles seraient les innovations en quelque sorte typographiques que nous nous permettrions de souhaiter. Ces sortes de jalons sont plus nécessaires qu’on ne pense; ils donnent à la narration un genre de précision et de clarté qui parle aux yeux. C’est surtout dans le compte-rendu d’un si grand nombre de séances presque toutes également orageuses que ces précautions seraient bonnes : on préviendrait toute confusion en rappelant de loin en loin au lecteur quel est le mois, quel est le jour dont on lui parle. Si l’auteur accueille notre avis, il n’aura besoin pour y faire droit que de quelques traits de plume en corrigeant une édition nouvelle.

Peut-être aussi l’engagerions-nous, tant nous aurions à cœur que cette lecture devînt courante et populaire, à ne pas toujours reproduire les séances qu’il raconte dans leur ordre chronologique, sans égard à la diversité des matières qui s’y traitent. Il est conduit par-là à revenir jusqu’à deux ou trois fois sur le même sujet, ce qui non-seulement l’oblige à des répétitions et le force à briser la chaîne du récit, mais rend le classement des matières moins facile au lecteur. Sans renoncer dans l’occasion au charme de ces suspensions, de ces interruptions qui ravivent l’intérêt et sont une des ressources du narrateur, il pourrait, ce nous semble, en user un peu moins et ne pas fractionner certains sujets dont il suffit de parler une fois. C’est, à la vérité, lui demander un peu plus de composition que n’en comporte