tion de séparation de biens. Il pourrait se dispenser de faire avouer tout naïvement à ce mari que, s’il a attendu six ans pour faire du scandale, c’est que le lieutenant de police, qu’il accuse aussi d’être un des amans de sa femme, lui avait promis une place dans les Indes. Enfin n’est-il pas singulier qu’un mari, après avoir traîné sa femme dans la boue, après l’avoir accusée, non-seulement des désordres les plus graves et les plus multipliés, mais encore d’escroquerie et même de complicité dans je ne sais quelle histoire d’assassinat qui est un véritable roman, vienne conclure en définitive à ce qu’on lui laisse la femme et la dot, la dot apparemment parce qu’elle est bonne à garder, la femme parce qu’elle est, dit cet aimable mari, plus égarée que coupable, et qu’il l’aidera à vivre environnée de l’estime qu’elle peut mériter encore ? Et cela pour arriver à appeler toute la rigueur des lois, non-seulement sur le suborneur ou les suborneurs, ce qui serait assez naturel au moins de la part d’un autre mari, mais sur Beaumarchais, contre lequel on n’articule aucun autre fait précis que celui d’avoir contribué à obtenir des ministres, en faveur d’une femme près d’accoucher dans une maison de force, la révocation d’une lettre de cachet ! Pour que tout soit logique d’ailleurs dans les mémoires de Bergasse, on y lit les déclamations les plus ardentes contre les lettres de cachet.
Excité par l’exemple de Mirabeau, Bergasse le laisse bien loin derrière lui en excès de langage. Tout ce que la fureur peut inspirer d’expressions outrageantes et d’imputations flétrissantes, il le prodigue à Beaumarchais. Et comme si ce n’était pas assez de le qualifier « un homme dont la sacrilège existence atteste avec un éclat si honteux le degré de dépravation profonde où nous sommes parvenus, » dans un second mémoire, cet avocat, parlant en son nom, crie à Beaumarchais qu’il ne connaît pas, qu’il n’a jamais vu : « Malheureux ! tu sues le crime ! » En temps ordinaire et pour un public impartial, la réponse de Beaumarchais à de telles invectives eût été foudroyante, car il se contenta d’opposer, comme il disait, à du Kornman-Bergasse du Kornman tout pur, c’est-à-dire qu’à ce mari si pompeux de sensibilité, d’indignation et de vertu, à ce mari qui, par la plume de Bergasse, dissertait avec tant d’abondance sur la sainteté du lien conjugal, il opposa le mari réel, le mari écrivant, — pendant cette même année où la conduite de sa femme l’avait rempli d’indignation dans son mémoire, — à ce même séducteur détesté dans son mémoire, des lettres où il fait de ce suborneur son ami, son confident, son protecteur auprès des ministres, l’artisan de sa fortune, l’ami et la compagnie habituelle de sa femme. Il montra Kornman méritant par là le dilemme fort embarrassant que lui posa plus tard à l’audience l’avocat de Daudet : « Ou vous êtes le plus