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on a doté les environs de Maëlma pour attirer une certaine circulation d’argent dans le village. Il n’y a que l’ambition du prix Monthyon ou d’une récompense céleste qui puisse déterminer un cultivateur aisé à entreprendre un défrichement semblable. Pour se créer là avec beaucoup de peine et de temps une terre médiocre, il aurait à dépenser plus d’argent que pour acquérir une excellente terre dont il lui serait permis de jouir tout de suite. Aussi la ferme reste-t-elle inviolablement tapie derrière son mur d’enceinte; mais à travers les fissures de la grande porte rouge qui donne entrée dans la cour, on voit le palmier nain s’épanouir au dedans comme au dehors et obstruer tellement les portes elles-mêmes, que l’acquéreur, s’il se présentait, ne pourrait plus pénétrer au-delà du mur d’enceinte que par une brèche ou par escalade.

Maëlma, dont le site élevé devrait être salubre, était infecté en partie par la barre du Mazafran, qui se jette ou plutôt s’infiltre dans la mer non loin de là, et par des amas d’eaux stagnantes formés dans les ravins profonds sur lesquels le village domino du côté de la plaine de Staouéli. On a ménagé un écoulement à ces eaux, et, pour n’en rien perdre, on a imaginé de les amener dans la fontaine de Zeralda, dont les eaux étaient rares. Zeralda n’avait pas besoin de ce renfort de peste. Ce pauvre petit village, assis non loin de l’embouchure du Mazafran, dans la vallée et à deux portées de fusil de la plage, sur la route d’Alger à Koléah par Staouéli, est certainement ce qu’il y a au monde de plus pauvre, de plus fiévreux, de plus cadavéreux. Une terre galeuse y nourrit à peine une chétive, mais tenace broussaille. Les eaux qui descendent des collines voisines balaient son territoire jusqu’à ce qu’elles viennent s’arrêter contre le rempart de sable que la d’une leur oppose. Là, elles infectent la terre qu’elles n’amaigrissent plus, et elles la pourrissent sans la féconder. Les joncs, les sables, la fièvre, voilà, en dehors de la broussaille, le revenu le plus assuré du colon de Zeralda.

On a essayé de détruire ce foyer d’infection en l’enfermant circulairement, dans un fossé profondément creusé et destiné à recevoir au passage les eaux qui s’y rendaient; mais en même temps on amenait dans la fontaine de Zeralda les eaux du marais de Maëlma, et d’ailleurs la grande cause d’insalubrité de ce canton est la barre de sable qui retient les eaux du Mazafran au moment où elles arrivent sur la plage, et qui les force à s’encaisser en détrempant par des infiltrations ou par des débordemens les terras basses et boisées qui se trouvent sur les deux rives.

Zeralda, qui mérite d’être cité comme type de l’extrême misère, appartient à la même formation que Cheragas, Ouled-Fayet et les autres villages de l’administration civile. Il se composait de 30 concessions de 15 hectares chacune : on avait cru devoir compenser la qualité par la quantité; mais après quatre années d’existence, 40 hectares à peine étaient défrichés. Tous les colons, à l’exception de deux ou trois, étaient arrivés là sans aucunes ressources. La plupart étaient Allemands, ce qui était un vice de plus ajouté à ceux du terroir et de sa configuration géographique, car en Algérie la race allemande réussit peu. Pour les faire vivre, on les employa aux terrassemens de leur grand fossé, au nivellement de leurs rues et de leur roule. Le maire, homme de courage et qui avait quelques avances, les occupa aussi à ses