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bœufs de razzia, pour le compte de l’administration militaire. Plus tard, des besoins d’administration et de célérité firent proscrire les bœufs pour cet usage, ce qui obligea les colons de Deli-Ibrabim à vendre les leurs pour acheter des chevaux ou des mulets. Plus tard enfin, l’administration effectua par elle-même ses transports, et alors les colons furent obligés de demander leur subsistance à d’autres industries : ils se sont mis difficilement à l’agriculture. Depuis 1842, leur principale ressource consistait à faire du bois dans les broussailles de la plaine de Staouéli. De grands propriétaires et des agriculteurs très soigneux appartiennent néanmoins à ce village. L’un de ces messieurs y a établi un superbe moulin à vent. La présence d’une lieutenance de gendarmerie, d’un hôpital civil (aujourd’hui transféré à Douéra), d’une cure, d’un bureau de poste et d’autres petits états-majors entretenait à Deli-Ibrahim une certaine population commerçante en dehors de la population rurale proprement dite. Celle-ci ne se composait que de 50 concessionnaires, dont 8 à peu près étaient dans l’aisance, en ce sens du moins qu’ils ne devaient rien. L’importance actuelle de ce bourg est plus bourgeoise qu’agricole, et son importance agricole tient plus à ses grands propriétaires qu’à ses colons. C’est sur ce territoire que se trouve le premier établissement d’orphelins fondé par le père Brumauld sur des terres d’achat, non de concession. Le gouvernement n’est intervenu dans cette fondation que par des secours en nature et par une subvention de 21 francs par mois pour chaque enfant ; on y comptait un certain nombre de petits Arabes rapportés d’expédition par les soldats qui les avaient trouvés au milieu des ruines de leurs douars, ou qu’on a ramassés après la mort de leurs parens dans les rues d’Alger.

Deli-Ibrahim est la tête de cette ligne de villages qui couronnent les hauteurs du Sahel à l’ouest d’Alger. Ouled-Fayet, qui vient après, se rapporte comme origine à la même famille que Cheragas : il a été fondé à la même époque et par les mêmes moyens, sauf l’homogénéité de la population. Le territoire a été divisé en 62 concessions de 8 à 10 hectares, mais elles n’ont pas été réparties entre un semblable nombre de concessionnaires. Quelques-uns d’entre eux ont retenu un certain nombre de lots. Deux propriétaires aisés du nord de la France sont établis à Ouled-Fayet, où ils luttent avec énergie contre les difficultés de la tâche. Quoique voisin de Cheragas, Ouled-Fayet est en effet dans des conditions bien moins favorables. Plus éloigné d’Alger, il a des débouchés moins faciles. Situé sur une crête, il a des terres plus arides, plus exposées à l’action furieuse des vents de mer. Les eaux y sont nulles pour la terre, rares pour les besoins domestiques, malgré une fontaine et un lavoir publics qui sont de fondation dans tous les villages. Malheureusement il est de fondation aussi que l’administration centrale, représentée par les ponts et chaussées, entretienne fort mal les conduits : ils crèvent, ils s’engorgent, et les fontaines tarissent sans que les réclamations les plus pressantes puissent triompher des lenteurs administratives. Sur ce point, de tous côtés les plaintes étaient unanimes. J’ai vu, pour ma part, Ouled-Fayet passer un été sans autre eau que celle de trois puits creusés par des concessionnaires, et l’aqueduc de Cheragas répandre pendant plusieurs mois son eau par le chemin. La conséquence de ceci, au point de vue administratif seulement, est qu’au lieu d’une dépense de 50 centimes qu’aurait