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M. Wagner est exact et sérieux; M. Bodenstedt est à la fois très érudit et très spirituellement passionné. M. Wagner est assez sympathique à la Russie; M. Bodenstedt la hait. Nous avons donc entre les mains les informations les plus variées; nos guides sont instruits, brillans, ingénieux, et nous pouvons les contrôler l’un par l’autre.


I.

La longue ligne du Caucase s’étend, comme on sait, entre les deux mers qui séparent l’Europe de l’Asie. Inclinée d’un côté vers les côtes orientales de la Mer-Noire, elle se dirige au sud-ouest vers la. mer Caspienne jusqu’à cette curieuse presqu’île d’Apschéron, contrée toute volcanique où vivent aujourd’hui encore, fidèles au culte du feu, les derniers disciples de Zoroastre. Au sud, ses contreforts se relient à la grande chaîne de l’Ararat; au nord, les lignes secondaires qui s’y rattachent vont se perdre dans les steppes de la Russie méridionale. Lorsque du milieu de ces steppes on jette les yeux vers le sud, la première ligne qu’on aperçoit est celle du Beschtau, formée de cinq montagnes, lesquelles, s’élevant toujours comme de gigantesques gradins, vont s’adosser à l’Elbrus ou Elborus, le plus haut des sommets du Caucase. C’est cette montagne, appelée en persan Kaf-Dagh, qui a donné son nom à la chaîne tout entière; ses cimes, couvertes de neiges éternelles, sont le siège des traditions fabuleuses et des légendes cosmogoniques : les Caucasiens ont surnommé l’Elbrus le grand padischa des esprits. Au nord-ouest de l’Elbrus, le long des côtes de la Mer-Noire, les plus hautes cimes sont le Pelaw-Tepesch et l’Oschten dans le pays des Abschases, l’Idokapas et le Schapsach dans le pays des Adighés. Suivez la direction contraire, marchez vers le sud en inclinant à l’est, vous arrivez au pays des sauvages Ossètes, auxquels Klaproth a consacré un des premiers de si précieuses études, et vous verrez grandir les lignes formidables du Kasbek. Si l’Elbrus est le plus haut sommet du Caucase, le Kasbek en est le centre. C’est là qu’est la grande communication de la Russie avec la Géorgie; c’est là, sur les flancs de la montagne, au milieu des neiges et des abîmes, que passe la route militaire complètement possédée aujourd’hui par les Russes, et qui, du nord au sud-est, traverse le Caucase tout entier. Entre le Kasbek et la mer Caspienne, les cimes les plus remarquables sont le Barbela dans le Daghestan, le Shah-Dagh dans la province de Kouba, le Baba-Dagh entre les villes de Shirvan et de Bakou, et enfin, tout au bord de la mer Caspienne, le Besch-Pannaki-Dagh.

De nombreux cours d’eau descendent de ces montagnes. C’est d’abord le Térek adoré de l’enfant du Caucase, le Térek qui arrose