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soit au mois de juin, que de fortes émotions, il se forma en 1851 des rassemblemens tumultueux qui se dispersèrent sans résistance aussitôt que parut la force armée. Les ouvriers de Castres, bien que très rapprochés de Mazamet, restèrent fidèles, en 1848 comme en 1851, sauf des émotions passagères, à leurs habitudes de calme et de docilité. La communauté de Villeneuvette n’a pas, à dire vrai, d’histoire politique. Si elle s’aperçoit des agitations contemporaines, c’est seulement pour songer à se prémunir contre des éventualités menaçantes. Quand des projets sinistres semblaient attendre, pour éclater, une date prochaine, Villeneuvette, avec ses créneaux et ses tourelles, se préparait à se défendre. La commune possédait un petit arsenal muni de soixante fusils que l’état lui avait confiés : quels indices dans de pareils préparatifs ! On se voyait reporté au milieu des hasards du moyen âge, où la force sociale impuissante était obligée de laisser aux individus le soin de se protéger eux-mêmes. A Villeneuvette, les ouvriers, contens de leur sort, faisaient cause commune avec leur chef; le vieil adage « notre ennemi, c’est notre maître, » n’y trouvait point sa confirmation; mais cette individualité singulière, qui tranche sur le fond du tableau, et quelques autres situations exceptionnelles ne suffisent pas pour modifier l’aspect général de l’histoire politique des ouvriers des montagnes de l’Hérault et de la Montagne-Noire. Dans le mouvement des esprits comme dans les manifestations publiques, le caractère méridional domine avec ses entraînemens d’un jour et ses promptes défaillances. La réflexion cède la place plus visiblement peut-être qu’ailleurs à d’aveugles instincts.

Si, détournant les yeux des passions politiques, on les porte sur les institutions économiques existant dans le même groupe, on voit alors la réflexion se faire jour parmi ces masses si légères, si profondément imbues des tendances méridionales. L’organisation de Villeneuvette, par exemple, procède de combinaisons savantes qui remettent en mémoire les clans industriels de l’Alsace. Dans la petite communauté de l’Hérault, l’idée du clan est même réalisée dans des conditions plus complètes qu’à Munster ou à Wesserling. Le régime municipal y reçoit la profonde empreinte du système intérieur de la fabrique. La mobilité dans les fonctions y est inconnue; depuis l’empire, oh n’y a compté que trois maires. En ce moment, le premier magistrat de la commune est en même temps le doyen du clan, et il occupe le fauteuil municipal depuis vingt années; c’est un ouvrier âgé de quatre-vingt-treize ans. Son successeur se trouve pour ainsi dire désigné à l’avance : ce sera l’adjoint, qui a lui-même dépassé sa soixantième année. On devine déjà par cette déférence pour la vieillesse que l’organisation de la communauté doit être calquée