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départemens septentrionaux. Inquiétés d’abord par l’installation des nouveaux appareils qui rendaient des bras inutiles, les ouvriers finissent par reconnaître que chaque progrès réalisé a pour résultat d’accroître la somme de travail. Où en serait l’industrie de la nouvelle cité, si elle avait répudié le concours des engins mécaniques ? En face de la concurrence des autres villes manufacturières, les ouvriers de Mazamet n’auraient pas même pu conserver le fonds primitif qui leur servait à nourrir leurs familles[1].

Plus souvent occupés chez eux que réunis en atelier, les tisserands de Mazamet sont répandus dans un assez vaste rayon, et surtout dans les villages de la Montagne-Noire. Tous les fileurs, au contraire, travaillant en fabrique, se groupent dans la ville ou aux environs. Telle maison occupe soit dans ses établissemens, soit au dehors, 1,200 ouvriers, une autre 600, plusieurs 3 ou 400. Les salaires, dont la moyenne est de 1 franc 40 cent, pour les hommes et 55 cent, pour les femmes, paraissent faibles, si on les compare, sans prendre garde à la diversité des circonstances locales, aux salaires payés dans les villes du nord de la France qui fabriquent des tissus de nouveautés. Toutefois, en mesurant le prix de chaque chose et en tenant compte de la différence des besoins de la vie dans les deux contrées, on s’aperçoit que les tisserands de Mazamet gagnent un peu plus que ceux de Reims et d’Elbeuf,

À la différence de Bédarieux, qui exporte une partie de ses draps, Mazamet n’écoule hors de la France aucun de ses articles ; mais cette ville est en rapport avec presque toutes les parties du territoire national. C’est la vieille Armorique, fortement attachée, on le sait, à toutes ses habitudes, qui reste le champ principal où se répandent les articles anciens de Mazamet. Le tissu nommé cadi n’a rien perdu sur le sol breton de la faveur dont il jouissait il y a cinquante années. Des commis-voyageurs, partis des bords de l’Arnette, ont soin de visiter périodiquement les petits marchands de la Bretagne, afin d’entretenir le goût public pour les produits des travailleurs de la Montagne-Noire. Les articles de fantaisie viennent à Paris en quantité considérable ; mais pour les ouvriers de Mazamet encore plus que pour ceux de Bédarieux, les départemens du midi sont un marché d’une importance tout à fait capitale, et dont la ville de Toulouse peut être considérée comme le point central. L’usage des maisons de la cité des

  1. Les machines ne sont encore appliquées à Mazamet qu’à la filature et à quelques opérations secondaires de la fabrication des draps. Le tissage mécanique de la laine, dont l’avenir n’est plus douteux, y est inconnu, il en est de même du peignage mécanique des laines, aujourd’hui complètement installé sur d’autres points de la France ; le peignage n’a pour les ouvriers de cette localité qu’une très minime importance. Si quelques filateurs traitent la laine peignée, c’est seulement pour des cliens du dehors ; les articles de Mazamet n’emploient que la laine cardée.