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En supposant que l’état ne dût pas prendre la responsabilité de diriger le travail, ne peut-il pas du moins le stimuler par des libéralités en argent ? Examinons. Il y a trois manières de subventionner la production du coton : accorder une signification en raison des ensemencemens qui ont été faits, acheter les récoltes à des prix de faveur, accorder des primes d’exportation pour les quantités envoyées en France. Les deux premiers systèmes sont actuellement pratiqués ; le troisième a été conseillé par un membre de la chambre de commerce de Mulhouse.

En mettant des graines à la disposition du public, l’administration a déclaré qu’elle décernerait une allocation de 20 francs à tout cultivateur qui aurait exécuté des semis sur une superficie de 20 ares au moins, sans qu’une culture plus étendue donnât droit à une prime plus forte. La réalité des travaux est constatée, du 15 juin au 15 juillet, par les inspecteurs de la colonisation. Quelle peut être l’efficacité de cette mesure ? Ou bien les concurrens sont de pauvres petits cultivateurs qui, alléchés par la subvention de 20 francs, s’empressent de gratter un coin de terre et d’y jeter à tout hasard des semences qui ne leur coûtent rien, ou bien ce sont des propriétaires assez éclairés pour comprendre qu’une expérience faite sur un quart d’hectare ne prouve rien, et assez riches pour essayer sur une large échelle de la véritable industrie agricole. Avec les premiers, le gouvernement perd son argent ; avec les seconds, une prime de 20 fr. est insignifiante.

L’achat des récoltes est pratiqué depuis deux ans. Des planteurs qui exploitent moins d’un hectare ne pouvant pas faire les frais d’une machine à égrener, l’administration offre d’acheter, à des prix différens bien entendu, le produit brut ou le produit net, c’est-à-dire les capsules du cotonnier avec les graines auxquelles les filamens adhèrent, ou bien le lainage seul complètement épluché. Voici donc les préfets algériens mis en demeure d’établir officiellement la proportion entre le produit brut et le produit net, chose qu’il leur est bien permis d’ignorer, car, nous le répétons, il n’y a presque personne en France qui ait eu occasion d’expérimenter ces matières. Par décision du 10 mars 1853, les prix d’achat furent ainsi fixés : georgie-longue-soie non égrené, 3 fr. le kilogramme ; égrené, 9 fr. ; — louisiane blanc courte soie non égrené, 1 fr. Or, bien que le rendement à l’égrenage varie en raison de la perfection des machines qu’on emploie et de la résistance plus ou moins grande des espèces sur lesquelles on opère, il est généralement admis comme mesure moyenne que les longues-soies perdent à l’égrenage quatre cinquièmes de leur poids brut, et les courtes-soies les deux tiers de ce poids. Le tableau des résultats obtenus dans les pépinières du gouvernement confirme