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Nouveau-Monde, la tentative de produire du coton en petite culture serait aussi déraisonnable de la part des colons français que celle de filer au rouet pour faire concurrence à la filature mécanique.

Nous avons entendu dire : Toute chose est chétive à son origine, les colons de la Virginie et de la Louisiane ont commencé petitement; pourquoi n’en serait-il pas de même en Algérie? La raison en est bien simple. Sans parler des ressources en capital et en main-d’œuvre que les planteurs américains avaient dès leurs débats, la denrée qu’ils essayaient de produire se vendait communément de 5 à 6 francs le kilogramme en qualité moyenne; les mêmes qualités se vendraient actuellement à la Nouvelle-Orléans ou à New-York de 1 franc 20 à 1 franc 50 centimes, et le colon algérien ne doit pas espérer d’en tirer sur la place du Havre plus de 1 franc 80 centimes à 2 francs. La différence entre ces deux prix est énorme. L’Américain luttait contre une industrie en enfance : l’Algérien entre en lutte contre une industrie d’une étonnante vigueur.

Mais, vont dire les personnes qui n’ont pas étudié d’une manière spéciale le genre de culture qui nous occupe, le gouvernement n’est-il pas là, en France, pour essayer, conseiller, diriger, subventionner, primer et décorer? En effet, l’administration a publié des devis d’exploitation dans lesquels elle promet jusqu’à 1,408 fr. de bénéfice net par hectare; elle a offert une prime de 20 fr. Pour vingt ares ensemencés, et elle donne les graines pour rien; elle achète les récoltes à des prix très élevés, en se chargeant même de l’égrenage, qui est une opération vétilleuse et dispendieuse. La chambre de commerce d’Alger ajoute à cette munificence une prime de 500 francs, destinée à l’entrepreneur de l’exploitation le plus habilement dirigée et ayant une étendue de deux hectares au moins. Aussi, s’écrie-t-on, quels résultats n’a-t-on pas obtenus depuis trois ans! Il n’y avait en 1851 que 2 à 3 hectares ensemencés; on en a compté 20 en 1852, et il y en a 700 aujourd’hui. Les planteurs qui viennent faire des demandes de graines se comptent par centaines; les Arabes eux-mêmes se rendent dans les jardins d’essais pour y apprendre la culture du cotonnier, et ils ont déjà exécuté des semis assez importans dans la zone voisine du Sahara.

Qu’on nous pardonne de ne pas partager l’admiration commune. Les expériences et les encouragemens administratifs accordés aux cultures cotonnières ne datent pas d’aujourd’hui; ils sont presque aussi anciens que notre domination en Afrique. Des essais très curieux et très satisfaisans ont eu lieu dès 1836 à la Rhéghaïa. En ouvrant le tableau officiel de 1846, nous trouvons des procès-verbaux de filateurs constatant déjà les qualités remarquables que possèdent les cotons récoltés en Algérie, et invitant le gouvernement à