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en grande étendue, la science agricole proprement dite a peu marché. Les fermiers des pays d’herbages font aujourd’hui ce que faisaient leurs pères; l’aiguillon de la nécessité ne les a pas atteints, les pro- cédés perfectionnés de la culture moderne ont beaucoup de peine à pénétrer parmi eux. Cette stabulation savante des Huxtable et des Mechi, cet art du drainage, cette recherche assidue de nouveaux engrais, cette invention ingénieuse d’instrumens, ce choix de semences, toute cette fiévreuse activité qui caractérise la nouvelle école leur est inconnue; l’école d’Arthur Young elle-même ne les a pas profondément modifiés; ces deux révolutions, qui à un demi-siècle d’intervalle ont agité le monde agricole, ont passé presque sans les toucher. Leur antique méthode est encore celle qui donne le plus grand produit net; ils se reposent sur cette supériorité traditionnelle, obtenue et conservée jusqu’ici sans effort.

En sera-t-il toujours ainsi? Il est permis d’en douter. Non-seulement l’agriculture perfectionnée obtient en général un plus grand produit brut, mais sur quelques points déjà elle obtient aussi un plus grand produit net. Pour le moment toutefois, la rente des pays à herbages est encore, dans l’ensemble, la plus élevée. Il y a dans le royaume plusieurs millions d’hectares, un quart peut-être de la superficie totale, en vieux gazon, et nulle part ailleurs on ne trouve une pareille étendue de terres donnant un pareil revenu. Sur quelques points privilégiés du nord et du midi de la France, dans quelques parties de la Belgique, de l’Italie ou de l’Espagne, on peut signaler des rentes plus élevées, mais sur d’étroits espaces seulement.

La rente, en Angleterre comme en France, est le tiers environ du produit brut. La moyenne du produit brut étant estimée, pour tout le royaume, à 250 francs par hectare, la moyenne du produit net ou de la rente est de 75 francs; le bénéfice du fermier, les impôts et les frais de production se partagent le reste. Cependant cette proportion varie beaucoup selon le mode de culture; sur les points où les frais de production sont très élevés, la rente tombe au quart et même au cinquième du produit brut; sur ceux au contraire où les frais de production sont peu de chose, la rente monte à la moitié et au-delà : c’est ce qui arrive pour les herbages. Là en effet la main-d’œuvre se réduit à presque rien, il n’y a en quelque sorte qu’à recueillir; le capital d’exploitation est faible, les mauvaises chances sont infiniment réduites, tout est profit à peu près, assuré. Aussi en voit-on qui donnent jusqu’à 500 francs de rente par hectare et au-delà.

Il y a trois manières de tirer parti de ces herbages, l’élève du bétail, l’engraissement et le laitage. On a trouvé en Angleterre, comme en France, que l’élève était le moins profitable des trois; on n’y