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émulation; il n’y a pas d’effort qu’un fermier anglais ne soit capable de faire quand il se croit sûr d’avoir un bon landlord qui ne lui impose pas des conditions trop onéreuses et qui vienne à son aide au besoin. D’un autre côté, ce n’est pas pour rien qu’on donne aux ouvriers des chaumières propres et commodes; ils en paient le loyer à un bon prix, et il est accepté que le propriétaire qui fait bâtir un village rural doit retirer au moins 3 pour 100 de son argent. En même temps, le duc a fait couper lui-même ses grandes haies, et il a renoncé un des premiers à la plus grande partie de sa chasse. Tout est chez lui subordonné à l’utile. Au milieu même de son parc, à côté de sa ferme domestique, home farm, est une usine qui occupe cent ouvriers; on y confectionne tout ce qui est nécessaire aux nombreuses constructions toujours en train sur quelque point de ses vastes domaines. Des fenêtres de son château, il voit les cheminées à vapeur de sa ferme et de son usine s’élever et fumer en face l’une de l’autre, non loin des derniers troupeaux de daims qui bondissent encore sur les pelouses, mais qui disparaissent tous les jours devant des moutons.

Dans le comté de Northampton, qui touche au Bedford, la rente a triplé depuis soixante ans, toujours par les mêmes causes. La maison de Bedford y possède beaucoup de terres, et un autre grand propriétaire du pays, lord Spencer, a mérité, comme agronome, la même renommée que M. Coke et le duc Francis.

Des dix comtés dont se compose la région de l’est, les trois derniers, ceux de Cambridge, de Huntingdon et de Lincoln, forment une division à part, celle des marais. Quand on jette les yeux sur une carte d’Angleterre, on voit au nord du Norfolk un large golfe qui entre assez profondément dans les terres, et qu’on appelle wash ou lagune. Tout autour de ce golfe vaseux, les terres sont plates, basses et habituellement couvertes par les eaux. Ces marais, jadis inhabitables, figurent aujourd’hui parmi les plus riches prairies de l’Angleterre. Ils sont situés en face de la Hollande, et ont été comme elle assainis par des digues. L’étendue totale des trois comtés est d’environ 1 million d’hectares ; les marais proprement dits en occupent environ le tiers. Ils sont formés par les rivières d’Ouse, de Nene, de Cam, de Witham et de Welland. Les travaux d’assainissement ont été commencés par les Romains; au moyen âge, ils ont été poursuivis par les moines qui s’étaient établis sur les îles sortant çà et là des terres inondées. Les Anglais parlent peu des services que leur ont rendus les anciens monastères ; il est certain cependant que, dans leur île comme ailleurs, les seuls monumens de quelque valeur qui subsistent des temps les plus reculés proviennent du culte catholique; l’agriculture en particulier a dû ses premiers succès aux ordres