dans le nord que se trouvent, avec quelque étendue, des terres légères. Le Suffolk a dû surtout à Arthur Young d’être resté le siège de la plus grande fabrique d’instrumens aratoires qui existe en Angleterre. Là sont les célèbres ateliers de MM. Ransome à Ipswich, Garrett à Leiston, etc. Tout le monde peut constater, dans ces gigantesques usines, le prodigieux usage que les cultivateurs anglais font des machines les plus lourdes et les plus coûteuses. Il est curieux que la même trace soit restée en France de M. Mathieu de Dombasle dans le département qu’il a habité; le souvenir de ce grand agronome, qui n’est pas sans quelques rapports avec Arthur Young, s’y est surtout conservé par une fabrique d’instrumens.
Le comté de Norfolk a été le véritable théâtre des succès de l’école d’Arthur Young. Le nord et l’ouest de ce comté forment une immense plaine sablonneuse de 300,000 hectares, où rien ne fait obstacle à la grande propriété et à la grande culture, où tout favorise le travail des chevaux, la culture des racines, l’emploi des machines, en un mot l’assolement quadriennal. Grâce à cet assolement, suivi avec persévérance pendant plus de soixante ans, ces mauvaises terres, qui rapportaient à peine, en 1780, 15 francs par hectare, rapportent aujourd’hui 75 francs en moyenne, d’est-à-dire que leur produit net a quintuplé, et leur produit brut s’est accru au moins dans la même proportion. Une grande partie de l’honneur qui s’attache à cette merveilleuse transformation revient à un grand propriétaire du pays, ami et sectateur d’Arthur Young, M. Coke, qui est devenu, en récompense de ses travaux agricoles, pair d’Angleterre et comte de Leicester, et qui est mort presque centenaire il y a peu d’années. M. Coke possédait dans l’ouest du comté, à Holkham, une propriété d’environ 30,000 acres ou 12,000 hectares. Cet immense estate, qui vaut aujourd’hui pour le moins 30 millions de francs, en valait tout au plus 5 ou 6 quand M. Coke en hérita en 1776. Il était divisé en un grand nombre de petites fermes; les tenanciers payaient fort mal, quoique la rente fût des plus faibles, et un beau jour beaucoup d’entre eux abandonnèrent leurs exploitations, qui ne leur donnaient pas de quoi vivre. M. Coke se décida alors à faire valoir par lui-même une portion de ces sables stériles; le reste, il le partagea en très grandes fermes, où il appela, par des baux de 21 ans, des fermiers intelligens et riches. On estime à 400,000 livres sterling ou 10 millions de francs la somme que M. Coke a dépensée en cinquante ans eu améliorations de toutes sortes, et qui en a fait dépenser à peu près autant aux fermiers, placement excellent de part et d’autre, puisque tous se sont enrichis. Quiconque veut se faire une idée de cette période de l’histoire agricole de l’Angleterre doit visiter la terre d’Holkham. La ferme que dirigeait personnellement lord Leicester est située dans