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les terres fertiles, propres aux céréales, soient confondues avec les mauvaises et condamnées à une stérilité relative, parce qu’il y est venu un bois dans les temps passés. Faire du blé dans les terres à blé et du bois dans les terres à bois, et partout ailleurs que dans ces dernières se servir des arbres comme abris, comme rideaux, comme ornemens, en avoir assez sans en avoir trop, mais les respecter et les défendre contre la hache, voilà le système; je le crois bon.

La terre de Stratfieldsaye, dont l’Angleterre a fait présent au duc de Wellington, se trouve dans le nord du Hampshire. Encore un de ces sols argileux et tenaces qui présentent au laboureur de si grandes difficultés. Le duc y dépensait libéralement tout le revenu en améliorations de toute sorte; il y a fait de grands frais de drainage, de marnage, de constructions rurales, et sans beaucoup de succès. On a remarqué avec raison que, sur un terrain moins rebelle, on aurait obtenu avec la même dépense dix fois plus de résultats; mais le vieux soldat s’obstinait dans cette lutte comme autrefois sur les champs de bataille : il appartenait à cette catégorie de grands propriétaires plus nombreux en Angleterre qu’ailleurs, qui croient de leur honneur et de leur devoir d’être plus forts que leur terre. Il était, du reste, fort aimé de ses fermiers et de ses voisins, qui trouvaient leur compte à ces largesses. Il avait fait bâtir pour ses ouvriers des chaumières fort propres et fort commodes, dont chacune est accompagnée d’un petit jardin d’environ 10 ares; il leur louait le tout, chaumière et jardin, à raison de 1 shilling par semaine, ou ah francs par an, dont il se payait en journées.

Tout concourt à faire de Stratfieldsaye une possession plus onéreuse que lucrative. La rente nominale est de 20 shillings par acre, ou 62 francs par hectare; mais la dîme, la taxe des pauvres, les impôts de toute sorte, égalent la moitié de la rente ou plus de 30 fr. par hectare. Dans de telles conditions, aggravées encore par l’income tax, il n’était pas étonnant que le duc de Wellington ne retirât rien de sa propriété. Tout ce qu’il est possible d’arracher à ce sol avare passe entre les mains des fermiers, des ouvriers, du clergé, des pauvres; il ne restait au vieux duc que le titre de landlord.

En descendant toujours la côte vers le sud, on trouve, après le comté de Hants, celui de Dorset. ici la physionomie devient toute différente : au lieu des vallées et des collines boisées du Hampshire, ce sont de larges plateaux calcaires, nus et ouverts, sans arbres, sans abris; une population beaucoup plus rare, puisqu’il ne s’y trouve qu’une tête humaine pour deux hectares; peu d’habitations, surtout peu de châteaux; de très grandes fermes; une richesse agricole plutôt inférieure, mais une rente moyenne plus élevée. Le pays étant triste et peu agréable, rien n’y distrait de la production, et cette