Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moissons qui flottent en vagues dorées. » Tout Anglais, en parcourant cette campagne chérie, chante dans son cœur cet hymne de l’orgueil national. Ce n’est pourtant pas la bonté du sol qui a fait toutes ces merveilles; naturellement aride sur les hauteurs et marécageux dans les bas-fonds, il n’a pu être amélioré qu’à force de travail. Il n’y a pas jusqu’aux landes qu’on rencontre encore de temps en temps, toutes couvertes d’ajoncs, de genêts et de bruyères, qui ne contribuent par leur mine sauvage à la variété du coup d’œil; on les appelle des champs communs, common fields. Tout ce qui est en Angleterre est beau aux yeux des Anglais, et en effet la terre inculte a bien son charme à côté de la terre cultivée. Les common fields sont traversés par de nombreux sentiers et remplis de promeneurs; ils sont là comme un souvenir de l’ancien état du pays, comme un prélude de ces immenses bruyères d’Ecosse si chères aux voyageurs et aux poètes. Les jeunes amazones des villas voisines y font galoper leurs chevaux avec un sentiment de fière liberté, comme si elles se lançaient dans les savanes de l’Amérique, et l’étranger ne peut qu’admirer ce goût ingénieux qui sait tirer parti même de la pauvreté du sol pour en faire un objet de plaisir et de luxe.

Les moindres coins de terre, dans cette banlieue de Londres, ont leurs souvenirs. Les plus grands hommes de l’Angleterre, ministres, poètes, guerriers illustres, y ont résidé. Pour nous-mêmes Français, ils commencent à se peupler de pieuses traces : les plus grands débris de nos discordes civiles y sont venus chercher un port. C’est dans un de ces villages calmes et agrestes, à Weybridge, que reposent dans une bien petite chapelle les restes mortels du roi Louis-Philippe, non loin de Twickenham, où il a passé une partie de sa jeunesse, et de Claremont, où il est mort, après avoir porté une couronne entre deux révolutions. Toute l’histoire moderne de l’Angleterre et de la France est dans ce rapprochement : ici toujours l’orage, là toujours la paix.

Le Hampshire ou comté de Hants s’étend le long de la mer à la suite du comté de Sussex. Ceux qui arrivent de France en Angleterre par Southampton font d’abord connaissance avec le Hampshire, comme ceux qui arrivent par Brighton avec le Sussex, et ceux qui arrivent par Douvres avec le Kent. Cette province passe pour une des plus agréables à habiter, à cause de son climat, qui est doux et salubre. La charmante île de Wight, séjour de prédilection des riches Anglais et où se trouve la résidence favorite de la reine, est une des dépendances du Hampshire.

Le sol en est généralement mauvais, surtout vers le nord, où il touche au comté de Surrey et à celui de Berks. Il y avait là autrefois une immense lande connue sous le nom de bruyère de Bagshot;