Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

débouché assuré pour ses foins et ses pailles, à cause du grand nombre de chevaux qui s’y trouvent dans la saison des bains. Sur les 28 chevaux de travail, 7 sont presque toujours occupés sur la route de Brighton à transporter des produits et à rapporter des engrais.

L’exemple de M. Rigden n’a encore que peu d’imitateurs. Tout le monde n’a pas 300,000 francs à mettre dans une exploitation rurale, surtout dans un pays comme le comté de Sussex, où l’agriculture est depuis longtemps en souffrance. Néanmoins l’élan est donné; on peut affirmer que, d’ici à peu d’années, la transformation sera en bonne voie. Deux chemins de fer, celui de Douvres à Brighton et celui de Turnbridge à Hastings, traversent le Weald; deux autres, ceux de Douvres à Londres et de Douvres à Chichester, l’embrassent; plusieurs embranchemens rallient ou rallieront ses diverses parties à ces grandes lignes; sa situation le met à la portée de deux grands marchés, Londres et Brighton. Il est impossible que dans de pareilles conditions, la révolution agricole ne finisse pas par s’accomplir.

A côté du Weald, le comté de Sussex présente déjà une des régions les plus originales et les plus prospères de la Grande-Bretagne : ce qu’on appelle les dunes du sud ou south-downs. On désigne ainsi une rangée de collines calcaires d’environ quiatre lieues de large sur vingt-cinq de long, qui s’étend le long de la côte dans toute la largeur du Sussex, et qui pénètre à droite et à gauche dans les comtés de Kent et de Hants; le sol en est maigre et brûlant, et se montre rebelle à toute culture. Cette stérilité même a fait leur fortune; elles sont couvertes, depuis un temps immémorial, de troupeaux de moutons qui paissent l’herbe courte, mais savoureuse, qu’elles produisent, et qui les engraissent de leurs déjections. Ces moutons, habilement conduits par des éleveurs soigneux, sont devenus la souche de la race dite south down, la plus recherchée aujourd’hui en Angleterre. Les riches Anglais qui affluent à Brighton dans la saison placent au premier rang, parmi les amusemens de cette résidence, le plaisir de galoper à cheval sur ces dunes immenses où rien ne les arrête. Point d’arbres, peu de bruyères ou d’arbustes, partout un gazon fin et serré jeté sur leurs pas comme un vert tapis; mais cet abandon apparent de la terre livrée à elle-même, cette solitude que peuplent seulement de grands troupeaux parqués, cachent une exploitation habile et lucrative.

La rente doit être à peu près la même dans le comté de Surrey que dans celui de Sussex. La nature du sol n’est pas meilleure. Le midi du comté touche au Weald et en reproduit tous les inconvéniens. L’ouest a un autre genre d’infertilité : ce sont de mauvaises landes que la culture n’a pas encore abordées partout, parce qu’elles n’en paieraient pas les frais. Quant au nord et à l’ouest, Londres les