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suivirent, en désorganisant les missions, avaient plongé la Californie dans la plus irrémédiable anarchie. Au milieu du désordre, les aventuriers des États-Unis, venus par les cimes de la Sierra-Nevada, regardées longtemps comme infranchissables, commencèrent à jouer un rôle en appuyant quelqu’une des factions indigènes qui divisaient le pays. Ils trouvèrent un point d’appui dans le capitaine Sutter, qui, après la révolution de juillet, était allé bâtir un fort et fonder une espèce de principauté indépendante dans la vallée du Sacramento. Bientôt ils se soulevèrent contre la faible autorité du gouvernement mexicain, et proclamèrent leur indépendance en arborant un pavillon où l’on voyait un ours et une étoile. Enfin arriva la guerre du Mexique, et un parti d’Américains, composé de douze dragons sur des chevaux éreintés, de cinquante hommes montés sur des mulets et de cinquante fantassins, attaqua les troupes mexicaines; puis les Américains, aidés d’un renfort arrivé par mer et d’Espagnols mécontens, parvinrent à mettre en ligne cinq cents hommes qui opérèrent la conquête de la Californie. Elle avait déjà été une fois conquise par une armée cent fois moins nombreuse, les cinq hommes du jésuite Salvatierra.

Ce même capitaine suisse Sutter, qui avait joué un rôle dans ces événemens, était appelé à prendre une initiative bien autrement importante : celle de l’exploitation de l’or de la Californie. Un jour, comme il faisait la sieste, un de ses amis, nommé Markham, entra chez lui tout éperdu. La première pensée de Sutter fut qu’une attaque se préparait contre lui, et il sauta sur sa carabine; mais Markham le détrompa en jetant sur la table une poignée de pépites d’or qu’il venait de découvrir. Ayant vu quelques cailloux briller au soleil, il ne s’était pas donné d’abord la peine de se baisser pour les prendre; puis il en avait ramassé un avec distraction et avait reconnu de l’or; il s’était rapidement assuré que le précieux métal abondait dans les environs. Le capitaine Sutter organisa les premiers lavages. Bientôt tout se précipita vers la Californie. Aujourd’hui on dit que Sutter, à la suite de spéculations malheureuses, est entièrement ruiné. Les chercheurs d’or lui ont fait une pension qu’ils lui doivent bien.

Un Français qui revient de la Californie nous montre des échantillons du précieux minerai. La récolte aurifère, loin d’être à la veille de s’épuiser, comme on l’a quelquefois annoncé, donne au contraire les espérances les plus fondées d’un accroissement indéfini. Les gisemens d’or s’étendent à une grande distance. Chaque jour, on en découvre de nouveaux. On a commencé par s’adresser surtout au sable des rivières, qui offrait le minerai dans l’état où il est le plus facile de le recueillir et de le dégager; mais ce sable ne contient de