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gouvernement ! Il paraît qu’elles rendraient par ce moyen 30 pour 100 de plus ; mais il y a trop de personnes intéressées aux abus de l’administration pour en permettre le remède.

On parle aussi de la condition des Indiens du Mexique. Un ecclésiastique français, qui a été plusieurs années curé au Mexique, me donne à ce sujet de tristes renseignemens sur l’oppression des Indiens par les blancs. Les uns sont corvéables ; les autres sont exempts de corvées, mais accablés d’impôts. Quand le curé nous eut quittés, M…. me dit que les Indiens sont surtout pressurés par les prêtres, qui, outre le prix des noces et des baptêmes, leur font donner quelque chose à chaque fête, — et il y a beaucoup de fêtes dans un pays espagnol. Une jeune fille avait perdu sa mère et ne possédait qu’une jument qui lui était nécessaire pour gagner sa vie. Le curé a réclamé la jument, disant que la mère de cette fille la lui avait donnée par confession. Il avait déjà fait tout vendre pour payer l’enterrement. M.… ajoute que, dans quelques endroits, les Indiens ont chassé ces indignes prêtres. Ces détails me sont confirmés par un Français qui connaît bien les Indiens, car il vit dans l’intérieur du pays, n’ayant d’autre société européenne qu’un Irlandais qui habite dans le même village mexicain. M. Gay est de Toulouse. Le genre de vie qu’il mène n’a rien ôté à la cordialité et à l’urbanité de ses manières. Il me raconte comment un pharmacien de Toulouse a pu devenir un agriculteur de Pinota. Il lui restait à écouler en partie une pacotille qu’il allait vendant par le Mexique. On lui parla d’une foire à quelque distance, il s’y rendit. La foire terminée, il lui restait des marchandises. Il continua à marcher en avant. Arrivé sur une hauteur, il vit à ses pieds le village de Pinota dans une situation qui lui plut, et il lui sembla qu’il aurait plaisir à s’arrêter là et à y passer ses jours. Il s’y est établi en effet, et en est à sa seconde femme du pays. Il retourne en Europe voir sa sœur, et reviendra finir ses jours dans la patrie qu’il s’est choisie, où il a des chevaux, de la chasse, de l’aisance, et mène une vie qu’avec les mêmes ressources il ne lui serait pas possible de mener en Europe. Il serait parfaitement heureux, s’il pouvait décider quelques compatriotes à le suivre.

M. Gay me donne d’intéressans détails sur le coquillage des côtes mexicaines qui fournit une teinture semblable à la pourpre. Pour appliquer cette teinture, on entre dans la mer avec les fils ou la pièce d’étoffe qu’on veut colorer, on arrache les coquilles du rocher et on teint immédiatement. La couleur qui se montre d’abord est le vert ; par l’exposition au soleil, le vert devient violet. M. Gay m’a donné un échantillon d’étoffe teinte par ce procédé. C’est bien la vraie pourpre des anciens, qui n’était point l’écarlate, mais un violet foncé, ainsi qu’on peut l’établir par plusieurs passages des