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avions une lettre du ministre de la guerre pour le commandant de cette ville, invitant celui-ci à nous donner une escorte. L’escorte a été promise avec la plus grande obligeance, mais n’a point paru, et nous sommes partis sans elle à quatre heures du matin. En toute chose, on retrouve la même subordination et la même exactitude.

À Aczatzinco, nous avons rencontré un propriétaire du pays qui allait du même côté que nous. Nous lui avons donné une place dans notre voiture et pris son escorte jusqu’à Saint-Augustin del Palmar, où nous coucherons. Il nous parle de la culture des terres que traverse la route. Le pays est sec, la rareté des cours d’eau est le seul inconvénient du Mexique ; mais cette terre volcanique a tant de vigueur, que dans quelques endroits le blé vient sans fumier et sans jachères. Il vient encore mieux là où il y a des irrigations. Tout le pays est fort dépeuplé par suite de la guerre et du choléra, qui a été terrible. Arrivés à Saint-Augustin del Palmar, nous nous promenons le soir en vue de l’Orizaba. Cette magnifique montagne que nous avons Elle en perspective presque durant tout notre voyage au Mexique, et que nous avions déjà aperçue sur mer vingt-quatre heures avant d’aborder, est comme un grand phare naturel que les yeux rencontrent toujours, qui semble élevé dans la région des astres, et dominer, ainsi qu’eux, les scènes changeantes de la terre. Aujourd’hui de ce village, contemplé au coucher du soleil, l’Orizaba était particulièrement frappant. La cime de la montagne a pâli d’abord ; on eût dit un fantôme blanc qui allait se dissoudre dans les airs ; puis, au moment où le soleil descendait sous l’horizon, la neige du volcan a pris une teinte rosée. Le soleil n’était plus que là. Peu à peu sa lumière s’est retirée de ce dernier asile, et la gigantesque tête de la montagne s’est enfoncée dans la brume et la nuit.

Une cérémonie d’un caractère grave et touchant nous attendait à notre auberge : on a apporté le saint-sacrement à un mourant, sous un parasol, au bruit lent et mesuré des tambours. La famille et les voisins étaient agenouillés près de la porte. Du silence recueilli de la foule on entendait sortir des prières murmurées et des soupirs. Nous n’avions nulle raison de ne pas nous agenouiller aussi avec ces parens désolés ; d’ailleurs il n’eût pas été prudent de s’y refuser. Il y a un certain nombre d’années, on a tué au Mexique deux Anglais qui s’obstinaient à rester debout et deux mules qui ne se rangeaient point.


1er avril.

Nous nous sommes mis en route à quatre heures du matin. Le pays n’est devenu très remarquable qu’en approchant de ce qu’on appelle las Cumbres. C’est l’endroit où l’on trouve la plaine au dé- bouché des montagnes. La beauté de ce passage est célèbre et mérite