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gigantesque bâtissait une montagne en Égypte pour envelopper un sépulcre, et au Mexique pour porter un autel[1]. Il en est donc pour les pyramides comme pour les hiéroglyphes. On trouve des pyramides et des hiéroglyphes à la fois en Égypte et au Mexique : voilà qui frappe l’imagination et porte à établir un rapport entre les deux civilisations, peut-être même à leur chercher une origine commune; mais, en y regardant de plus près, il se trouve que ces traits de ressemblance ne sont qu’apparens, que là où l’on voulait rapprocher il faut distinguer, et qu’il y a diversité où l’on croyait qu’il y avait similitude. Très souvent, quand on compare deux époques, deux civilisations, on arrive au même résultat : la ressemblance est à la surface, la différence est au fond.

Des deux petites pyramides qu’on voit aussi à Cholula, l’une porte les ruines d’une chapelle chrétienne; l’autre, taillée à pic de tous côtés, a dû être un point fortifié. Ces deux pyramides ne sont que des taupinières : la plus haute n’a point la hardiesse des masses grandioses qui s’élèvent au bord du Nil; mais de sa cime on voit le plus magnifique panorama de montagnes qui soit dans l’univers : la Femme-Blanche, la Pierre-Fumante, l’Orizaba, voilà pour le Mexique les véritables, les incomparables pyramides.

La grandeur de ce spectacle a inspiré de beaux vers à un poète, à un vrai poète, Heredia. Je vais essayer de traduire quelques-uns de ces vers d’une harmonie magnifique et douce comme le ciel qui les a vus naître. Dépouiller cette poésie de l’éclat de la langue espagnole, c’est, je le sens trop, dépouiller un paysage tropical des splendeurs du soleil.


« C’était le soir ; Une brise légère repliait ses ailes en silence, et moi je rêvais, couché sur l’herbe, parmi la verdure des arbres, tandis que le soleil plongeait son disque derrière l’Orizaba. La neige éternelle, comme fondue en une nier d’or, semblait tracer autour de lui un arc immense qui montait jusqu’au zénith; on eût dit un étincelant portique du ciel... Puis cet éclat s’évanouit. La blanche lune et l’étoile solitaire de Vénus se montraient dans le ciel. Heure fortunée du crépuscule ! plus belle que la chaste nuit ou le jour brillant, que ta paix est douce à mon âme !... La nuit descendit enfin; l’azur léger du ciel devint de plus en plus foncé; les mobiles ombres des nuées sereines qui volaient à travers l’espace, emportées par les ailes de la brise,

  1. Les pyramides mexicaines, qui sont en général à degrés, ressemblent davantage au monument de Babylone dans lequel on croit reconnaître la tour de Babel, et qui, d’après la description la plus récente, celle de M. Fresnel, se composait de « huit parallélipipèdes rectangles en retrait l’un sur l’autre. » Nouveau Journal asiatique, cinquième série, t. Ier, p. 504.