Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rappellent à chaque pas la condition agitée de ce beau et triste pays. De l’esplanade qui est placée devant cette charmante église, nous avons joui d’une vue ravissante : les grands volcans avec leur capuchon de neige s’élevaient à l’horizon; à nos pieds se déroulait la ville de Puebla comme hérissée d’églises; çà et là dans la campagne solitaire pointaient des clochers et s’arrondissaient des coupoles; le ciel, aux approches du soir, a pris ces teintes extraordinaires dont rien ne saurait égaler la mollesse et la suavité. Nous sommes redescendus lentement dans la ville, interrompant sans cesse notre marche suspendue à chaque pas par cet enchantement et cherchant en vain à découvrir d’ici la grande pyramide de Cholula, que nous visiterons demain.


30 mars.

Montés à cheval de bonne heure, nous sommes allés à Cholula voir les pyramides. On traverse une plaine qui, encore plus que les environs de Mexico, rappelle la campagne de Rome, parce qu’elle est semée de monticules, coupée de ravins et terminée de même par des montagnes qui offrent constamment, comme l’horizon romain pendant une partie de l’année, le spectacle de sommets neigeux sous un ciel méridional; mais, malgré mon admiration pour l’horizon de Rome, qu’est-ce que la montagne d’Albano auprès du Popocatepetl, dont le nom est moins harmonieux, je l’avoue, mais dont la hauteur est dix fois plus grande?

Notre guide était peu intelligent, et au lieu de nous conduire à la grande pyramide qui est à la porte de la ville de Cholula, il nous a lancés en pleine campagne, à travers les terres labourées et les champs d’aloès, jusqu’au pied d’une éminence qu’il nous a fait gravir, après quoi nous sommes arrivés à l’entrée d’une exploitation anciennement abandonnée. Du reste, c’était un peu notre faute; le mot espagnol piramide, le mot mexicain teocalli, étaient également inconnus au guide qui nous conduisait, et nous n’avions pas donné au monument aztèque le seul nom sous lequel il est connu dans le pays, Cerro (la montagne), désignation dont il est digne par sa masse. N’ayant pas su demander le Cerro, on s’est persuadé que nous cherchions une mine, car c’est là l’objet ordinaire de la préoccupation des étrangers qui viennent au Mexique. Du reste encore ici un hasard malencontreux nous a bien servis, car le lieu où l’on nous a menés, et qui s’appelle Zapotecas, méritait d’être vu, et peut-être y avons-nous fait une sorte de découverte : c’est une hauteur isolée et terminée par une plate-forme visiblement aplanie de main d’homme, et où nous avons reconnu les traces d’un pavé qui, devait être celui d’un temple. Les temples chez les anciens Mexicains