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Murillos. Trois d’entre eux me semblent être des copies de l’école italienne. Sur les cinq autres, il en est quatre qui peuvent, je crois, appartenir à Murillo; mais un tableau vivant et bien espagnol était celui qu’offrait un coin de l’église dans lequel on faisait la toilette de la Vierge. Une señora la parait pour une solennité religieuse exactement comme une femme de chambre habille sa maîtresse.

Je suis allé voir une autre église, qui est plus spécialement celle des Indiens; elle appartient à un couvent de franciscains. Les franciscains sont partout l’ordre populaire le plus particulièrement en sympathie avec les misérables. La façade est revêtue de plaques de faïence où sont tracées des arabesques parmi lesquelles figurent des perroquets. L’église était pleine d’Indiens accroupis sur le pavé. Un prédicateur indien est monté en chaire. Son sermon était fort différent de celui que j’avais entendu le matin à la cathédrale et dans lequel il était question de Pythagore et de Platon, précurseurs du Christ : doctes considérations à l’usage du beau monde et des fortes têtes de Puebla. L’orateur jaune que je viens d’entendre n’était pas si savant. Le premier mot de son discours a été demonio,... le diable; c’était probablement celui qui était le plus propre à frapper ses auditeurs et à éveiller leur attention.

En sortant de cette église, on trouve l’ancien Alameda. Cette promenade est abandonnée aujourd’hui pour le nouvel Alameda, situé à l’autre extrémité de la ville. C’est dommage, il y a ici de beaux arbres qu’ailleurs on n’improvisera pas. A gauche, on découvre les majestueux sommets des montagnes, la Pierre-Fumante et la Femme-Blanche. J’aime mieux donner la traduction de leurs noms mexicains que les noms eux-mêmes, dont la prononciation est presque impossible. Sur une colline hors de la ville est une jolie église dédiée à Notre-Dame de Guadalupe, la Vierge des Indiens, qui, on s’en souvient, est devenue la patronne de la république mexicaine.

Cet édifice, qui porte la date de 1812, montre que les Mexicains de nos jours entendent très bien la décoration extérieure des églises. La façade est tapissée de plaques de faïence colorées en rouge et en vert, de l’effet le plus élégant et le plus gracieux. Des colonnes blanches et légères portent un chapiteau ionique qui semble surmonté d’un voile. Une jolie balustrade, de sveltes clochers, couronnent agréablement l’édifice; sur des médaillons sont représentées diverses apparitions de Notre-Dame de Guadalupe, avec les légendes qui accompagnent ordinairement son image : mulier amicta sole, une femme qui avait le soleil pour vêtement; non fecit taliier omni nationi, elle n’a pas fait cela pour toute nation : parole où la superbe espagnole se mêle à la dévotion ! Le cloître est à demi démoli; partout on aperçoit des traces de balles, vestiges de la guerre civile qui