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gement qui aura lieu vers le Danube, d’autant plus qu’il ne tient qu’à la Turquie de considérer la guerre comme ouverte par l’occupation des principautés moldo-valaques.

Quant à l’Europe, sa situation ne laisse point assurément d’être difficile après l’insuccès de sa récente médiation. La vérité est que pour le moment la conférence de Vienne n’a plus de but, et que l’action commune des gouvernemens a cessé. Il est arrivé pour la médiation ce qui est arrivé pour les parties principales dans cette malheureuse affaire : c’est qu’en voulant trop s’expliquer, ou devait finir par ne plus s’entendre. La différence des points de vue devait reparaître : chacun avait sa politique, ses engagemens, ses précédens, et après avoir délibéré une note en commun, le difficile était de se concerter également sur le degré d’action à employer pour la faire accepter. Il en résulte que les conseils portés à Constantinople ne devaient point être les mêmes. L’Autriche a pu conseiller à la Porte une acceptation pure et simple. L’Angleterre et la France, bien que regrettant la décision du divan, ont pu s’arrêter en présence des commentaires que la Russie faisait de la note de Vienne. C’est dans ces conditions que se produit aujourd’hui un événement qui n’est point évidemment sans importance, — le voyage de l’empereur Nicolas au camp d’Ollmütz, où il doit rencontrer le jeune empereur d’Autriche. Quel est jusqu’ici le sens de cette entrevue de souverains ? Indépendamment des résultats que nous connaîtrons sans nul doute, il faudrait d’abord peut-être lui ôter un caractère trop général, surtout si, comme on l’assure, le roi de Prusse, en présence de l’opinion manifeste de Berlin, a refusé de se rendre à Olmütz ; mais enfin il reste toujours l’Autriche. Le tsar a voulu certainement essayer son ascendant personnel, qui est grand, sur l’empereur François-Joseph. Il a voulu sonder par lui-même le secret de la politique autrichienne, qui s’était jusqu’à un certain point montrée indépendante dans ces derniers temps, et la ramener probablement à ses desseins. Dans quelle mesure réussira-t-il ? C’est là la question. Dans les affaires d’Orient elles-mêmes, l’Autriche a certainement des intérêts très distincts de ceux de la Russie ; en outre il lui reste à peser ce qu’elle a à gagner au maintien de la paix générale, et ce qu’elle pourrait risquer dans une conflagration qui menacerait l’Europe. Ce qu’elle peut risquer, c’est le sort de ses provinces slaves d’un côté, et celui de ses provinces italiennes de l’autre. Il ne faut pas que l’Autriche oublie qu’elle a encore ces deux lourds fardeaux : la Hongrie et la Lombardic. Que des difficultés sérieuses s’élèvent en Europe, qui pourrait dire que l’Italie ne s’ébranlera pas ? Faut-il donc un regard si pénétrant pourvoir le travail des esprits dans ce pays, cette perpétuelle irritation de la fibre nationale frémissante sous la domination étrangère ? Et en ce moment même, les relations de l’Autriche avec le Piémont sont-elles si sûres, si faciles, qu’elles ne puissent devenir une occasion des complications les plus sérieuses ? Toutes ces considérations, l’Autriche les a présentes sans nul doute, et si elle ne les avait pas présentes, on les lui rappellerait probablement. Voilà pourquoi, la Prusse ne participant pas d’ailleurs directement aux conférences souveraines d’Ollmütz, nous ne croyons pas qu’il en puisse rien sortir de très décisif, malgré les puissantes séductions du tsar. Le jeune souverain de l’Autriche est à peine sur le seuil de son règne. Monté au trône après une révolution et ayant eu la fortune de rasseoir son empire, c’est à