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cultivateurs et négocians, avaient su apprécier plusieurs siècles avant que le nom d’économie politique eût été prononcé.

S’il est un phénomène naturel fréquent, usuel, presque vulgaire, c’est la précipitation de l’eau atmosphérique, ou la pluie. Aucun pourtant n’a été plus tardivement expliqué d’une manière satisfaisante. Il est vrai qu’il y a pour ainsi dire plusieurs sortes de pluies, dont quelques-unes proviennent d’orages et semblent avoir, comme la grêle, une origine électrique : mais ici considérons la pluie ordinaire, celle qui, dans nos heureux climats européens, ne tombe ni en assez grande abondance pour noyer le sol, comme cela a lieu entre les tropiques, ni en assez petite quantité pour laisser le sol infertile par suite de sécheresse. — Oui, me disait un homme du monde à qui je posais cette condition, j’entends : il s’agit de la pluie dont on se garantit avec un parapluie, ordinaire.

Par une loi physique aussi nette dans ses résultats qu’elle est obscure dans sa théorie, toute masse d’eau recouverte d’air exhale continuellement dans cet air, sous forme invisible, une quantité de vapeur d’autant plus grande que cette eau est plus chaude, et l’on conçoit quelle masse de vapeur doit être portée dans l’atmosphère entière, dont les trois quarts reposent sur des océans, sans compter les lacs, les étangs, les rivières et les marécages (swamps), qui occupent encore une partie notable des continens. Ainsi aucune difficulté quant à l’approvisionnement de l’atmosphère en eau, ou plutôt en vapeur d’eau. L’atmosphère n’est pas seulement de l’air pur, c’est un mélange d’air et de vapeur d’eau. Dans une atmosphère qui n’a pas une quantité d’eau suffisante, comme dans le souffle du vent sec du désert appelé seimoun ou khamsin, les plantes et les animaux périssent. Pour les habitans de la Grande-Bretagne, habitués à une constitution de l’air fort humide, les vents secs de l’est, qui soufflent au printemps et qui produisent sur nos blés ce qu’on appelle les hâles d’avril, sont un fléau intolérable, qui bannit tout bien-être hygiénique et pousse au suicide les caractères sujets à une mélancolie sombre, au spleen. À Paris, la quantité d’eau que contient l’air est juste la moyenne entre la sécheresse extrême et l’extrême humidité. À ce point de vue comme à celui du spleen, au physique comme au moral, suivant l’expression banale, le séjour de Paris semble plus sain que celui de Londres. Quant à la gaieté française, à l’esprit français, je me garderai bien de lui assigner une cause météorologique ; cependant le bien-être individuel relatif à la santé ne peut être sans influence sur la sociabilité d’un peuple.

Revenons à notre question de la pluie. Quelle est la cause qui exprime de l’air l’eau qu’il contient en vapeur, à peu près comme la pression de la main exprime l’eau d’une éponge humide ? C’est le