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était question d’une influence acquise par la religion ou par la guerre, ou quand il ne s’agissait que du commerce de la Méditerranée. Toute position était bonne pour exercer l’empire commercial dans des limites si étroites et si faciles à atteindre, et cet empire appartenait, suivant les circonstances, à Tyr ou à Carthage. Déjà cependant l’avantage de la situation se montre dans Alexandrie, dans cette ville que le génie de son fondateur avait placée entre l’Afrique, l’Asie et l’Europe, et qui ouvrit au commerce de l’Occident la route de l’Inde, suivie jusqu’au XVIe siècle. Au moyen âge, le commerce fleurit sur plusieurs points des côtes de la Méditerranée, à Venise sur l’Adriatique, à Gênes et à Pise sur la mer de Toscane. Parmi ces puissances méditerranéennes et toutes littorales, pas une n’était dans une position centrale. Il en a été de même de celles qui avaient pied sur l’Océan, depuis les villes de la Hanse, qui s’emparèrent de la Baltique et de la Mer du Nord, jusqu’au Portugal et à l’Espagne, qui d’abord se partagèrent l’Océan nouvellement exploré et les deux Indes ouvertes, l’une par la navigation de Gama, l’autre par la découverte de Colomb.

La France, la Hollande, l’Angleterre, se trouvèrent dans une position analogue par rapport aux lointaines colonies qu’elles fondèrent; entre ces colonies et les métropoles, il ne s’établit point de centre commercial important, parce que la jalousie des nations et des compagnies européennes ne souffrit comme intermédiaires que des comptoirs. Cependant parmi ces comptoirs l’utilité d’une position centrale fut marquée par la grandeur éphémère d’Ormus, placé à l’embouchure de la Mer-Rouge et sur les routes de l’Océan indien. Peu à peu plusieurs puissances commerciales disparurent de la scène ou s’y effacèrent, et le commerce de l’Océan ne fut plus disputé que par la Hollande et l’Angleterre, jusqu’à ce que l’Angleterre en vînt à le posséder presque tout entier. Mais alors commencèrent à paraître les États-Unis.

Les États-Unis, dans leurs limites actuelles, n’occupent pas encore le centre des deux océans; toutefois ils s’acheminent vers cette situation. Naguère encore leurs ports regardaient tous l’Atlantique; aujourd’hui l’Orégon et la Californie leur ont ouvert le Pacifique. Un mouvement immense, dont les Mormons sont les précurseurs, se dirige vers l’ouest de l’Amérique septentrionale. Le chemin de fer que l’on projette en ce moment réunira les deux mers. Dès lors les Anglo-Américains auront déjà pris une position vraiment centrale entre ces deux mers et les deux parties du monde qu’elles baignent; mais cette position centrale des États-Unis ne sera vraiment conquise que lorsque la portion la plus étroite du continent par où doit passer le chemin