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des statuts ne se renferment pas dans le cercle de l’assistance : elles réglementent l’exercice de cette profession des portefaix dont il est facile de comprendre l’importance dans un port où se chargent et se déchargent chaque année, pour la navigation au long cours et sans parler du cabotage, six ou sept mille navires[1].

Les portefaix associés ont voulu se réserver un signe qui les distinguât de toute personne faisant métier, comme le dit avec dédain leur règlement, de transporter des effets on des marchandises. Ce signe, c’est le sac qu’ils ont sur le dos et sur lequel repose la charge. Tout étranger à l’association doit se servir d’un simple coussin ou pailler. Le règlement de 1816 prononce une amende de 30 fr. au profit de la caisse des portefaix contre quiconque usurperait le privilège du sac. Le code pénal, il est vrai, ne venait pas à l’appui de cette défense ; mais une aussi forte corporation avait le moyen de la faire respecter. Sans refuser d’ouvrir ses rangs à de nouveaux postulans, la société n’est point désireuse de ces affiliations. Elle impose aux étrangers un droit d’admission de 1,000 francs, tandis que les fils des sociétaires ne paient que la somme insignifiante de 8 fr. On est si sévère quand il s’agit d’opposer un rempart à l’envahissement du dehors, qu’on n’a pas voulu qu’un père de famille nouvellement admis put, avec ses 1,000 francs, acquérir au moins à ses fils le privilège de ne verser eux-mêmes que la plus petite redevance. Ceux de ses enfans qui sont nés avant sa réception sont obligés de verser 500 francs ; encore n’est-ce que d’hier que la taxe a été pour eux réduite de moitié.

L’association des portefaix assure à ses membres des secours temporaires en cas de maladie et des pensions dans la vieillesse. Le secours, non compris les honoraires du médecin et le prix des médicamens, est de 1 franc 28 centimes par jour pour les adultes et de 64 centimes pour les enfans, qui peuvent être reçus dès l’âge de dix ans. Les pensions, payables à l’âge de soixante-dix ans, ont été fixées à 5 fr. par semaine. Les ressources de la société sont considérables ; elles proviennent d’abord du droit d’admission, et puis d’une taxe qui est une véritable taxe du revenu et consiste dans un prélèvement de 3 pour 100 sur le gain journalier de tous les sociétaires. Ce mode de taxation si équitable n’a jamais donné lieu à aucune contestation. Dans le total des recettes de la société montant à 77,333 francs en 1852, une somme de 50,555 francs représentait le produit de la taxe du revenu, ce qui permet d’établir que la totalité des salaires perçus par les 2,195 portefaix marseillais associés, adultes et enfans, s’est élevée à 1,685,166 francs 65 centimes, et par

  1. Le jaugeage de ces navires dépasse un million de quintaux métriques.