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animation de la Cannebière et des quais ; plus loin, l’indigence entassée autour de la place de Linche et de la mobtée Saint-Esprit, dans des ruelles étroites renfermant des élémens viciés de plus d’un genre, et trop aisément oubliées au milieu du vaste cadre où tout annonce le travail et la richesse.

La dernière enfin des quatre villes industrielles de la Provence, Toulon, doit aux coteaux qui la défendent contre les vents du nord et aux plantes tropicales qui poussent dans les vallées voisines une physionomie encore plus méridionale que celle de Marseille. Au sortir des sauvages gorges d’Ollioules, on traverse des jardins où le grenadier et l’oranger balancent en plein vent leurs fleurs et leurs fruits. Resserrée par une enceinte étroite, dont l’agrandissement, longtemps ajourné, va recevoir enfin son exécution, cette ville ne jouit d’aucune perspective du côté de la terre. Si les regards veulent s’élever au-dessus des remparts, ils se brisent contre des coteaux blanchâtres, d’où rejaillit un soleil éblouissant. Quoique l’espace soit plus étendu du côté de la mer, les ouvrages qui défendent le port, les hauteurs qui font la sûreté de la rade viennent assez promptement limiter l’horizon.

La tâche des ouvriers de l’industrie dans ces quatre cités varie autant que le milieu où ils sont placés. Avignon est le centre de la production de la garance ; Aix se distingue par ses huiles d’olive ; Marseille règne sur l’importante fabrication des savons comme sur les industries accessoires, et renferme les ateliers qui sont le plus intimement associés au commerce maritime. À Toulon enfin, le travail est en contact immédiat avec la marine militaire.

La garance est aujourd’hui la principale source de richesse que possèdent Avignon et le département de Vaucluse. La production annuelle ne s’en élève pas à moins de 25 millions de francs[1]. La garance est, comme on sait, une plante dont la racine contient une riche substance tinctoriale qui peut donner toutes les nuances rouges ; elle vient en plein champ, comme la luzerne ; sa tige et ses feuilles se dessèchent l’hiver, mais sa racine ne périt pas, et redonne naissance chaque printemps à des pousses vigoureuses. Originaire de l’Asie, suivant toute apparence, elle a dû être apportée en Europe dans des temps très reculés, puisqu’on la connaissait déjà dans les Gaules, sous les Romains. Depuis cette époque, elle ne semble pas

  1. La soie, dont la production occupait naguère le premier rang dans les richesses de Vaucluse, n’arrive qu’au chiffre de 18 millions de francs. On fabrique encore à Avignon des étoffes de soie, mais cette industrie, célèbre avant 1789, est en pleine décadence. Après avoir essayé de se relever durant les premières années de la restauration, elle s’est heurtée contre la concurrence de la cité lyonnaise, et le nombre de ses métiers est tombé rapidement, depuis 1825, de 8,000 à un millier tout au plus.