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tire bon parti : «C’est une chose très risible de faire parade de luxe et de laisser voir sa misère, d’avoir une voiture et d’y atteler des mules dont on peut compter les côtes, ou d’avoir un cocher qui ressemble à ces figures dont s’amusent les enfans, de posséder une grande maison pour en habiter les combles, de vivre entre le bal et la promenade, d’une-part, et de l’autre les créanciers et les billets du mont-de-piété. Il y a de ces travers, et de pires encore, à Mexico et ailleurs. »

On trouve plus d’esprit, de malice, de feu dans une œuvre satirique intitulée le Coq pythagoricien, dont l’idée première est empruntée au Coq de Lucien. Elle offre des peintures un peu chargées, mais qui ne manquent ni de vivacité ni de vérité. Pour arriver à frapper sur ses compatriotes, l’auteur s’est cru obligé de donner en passant quelques coups sur les doigts des Français et des Yankees. Je suis trop patriote pour traduire ce qui nous concerne, et je passe aux Anglo-Américains. « Je m’assurai, dit le malin coq, que tous les Anglo-Américains avaient un cœur et un cerveau d’argent, car à force de n’aimer autre chose et de ne chercher autre chose que ce métal, ils en sont venus à se métalliser le cœur et le cerveau, et c’est une providence de Dieu qu’ils ne sachent pas qu’il en est ainsi, car ils s’égorgeraient les uns les autres et se tueraient eux-mêmes pour tirer de leur poitrine ou de leur tête un dollar. » Arrivé aux Mexicains et à leurs pronunciamentos : « L’un se prononce, dit-il, parce qu’il a enfoncé la caisse de son régiment, un autre pour voir s’il entraînera quelque parti à soutenir ses projets, un troisième pour tâcher de vivre aux frais d’autrui, un quatrième pour acquérir une position sociale (adquirir rango en la sociedad) et donner le ton, tous pour améliorer leur condition. »

Je ne crois pas que ce jugement sur les causes ordinaires des soulèvemens politiques en ce pays soit trop sévère. Tout ce qu’on me dit sur les motifs des guerres civiles s’accorde avec les explications que le coq en fournit. L’ambition personnelle fait ordinairement tous les frais de ces révolutions, d’où il résulte qu’il n’y a pas beaucoup d’animosité entre les factions qui sont aux prises. D’après les récits de témoins oculaires et dignes de foi, les choses se passent ainsi : chacun des deux partis s’établit dans une tour ou dans un couvent à une distance raisonnable de l’autre, et on tire pendant un certain temps des coups de fusil qui ne portent pas; enfin on a recours à l’artillerie : un des deux partis charrie un canon dans une petite rue qui donne dans celle que le canon doit enfiler, on le charge dans la petite rue, puis on le pousse dans la grande; on y met le feu avec un long bâton, sans se montrer, et l’on abat une