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C’est dans le sud-est du Cumberland que sont situées les plus hautes cimes de l’Angleterre proprement dite ; là s"élèvent le Scarrfell, le Helvellyn, le Skiddaw, qui ne sont dépassés dans le reste de l’île que par les montagnes de Caernarven, dans le pays de Galles, et par celles du nord de l’Ecosse. Dans les creux formés par le temps au pied de ces masses rocheuses se trouvent les lacs qui font suite à ceux du Westmoreland. C’est la même nature, par suite la même rareté de cultures et d’habitans, aussi bien que la même beauté d’aspects. Il y avait autrefois au bord de ces lacs une population particulière de petits propriétaires qu’on appelait des statesmen. Chaque famille possédait de 20 à 40 hectares qu’elle cultivait depuis de nombreuses générations. On suppose que ces tribus devaient leur origine à une nécessité de défense : ce point étant très près de la frontière d’Ecosse et très exposé aux incursions des maraudeurs écossais, les lords avaient fait, dit-on, de nombreuses concessions de terres sous la condition d’un service personnel, comme dans les clans des Highlands. Que cette supposition soit vraie ou non, les statesmen existaient encore en grand nombre au commencement de ce siècle. Un poète qui a beaucoup vécu au bord des lacs, Wordsworth, a décrit en termes charmans leur manière de vivre. On voudrait que ce portrait fût encore vrai ; malheureusement il ne l’est plus. Les statesmen disparaissent rapidement devant la grande propriété ; on voit encore ça et là leurs anciens cottages, mais ce sont des fermiers qui les habitent, et, chose remarquable, là où une famille de petits propriétaires n’avait pas pu vivre, quoique n’ayant pas de rente à payer, un fermier paie la rente et fait ses affaires. Les dettes, en s’accumulant par une cause ou par une autre sur ces petites propriétés, avaient fini par en absorber tout le revenu. L’attachement des familles de statesmen à leurs anciens usages, l’absence de capitaux mobiliers, l’ignorance, rendaient la terre moins productive entre leurs mains que dans celles de cultivateurs plus aisés et plus habiles. Rien ne peut arrêter cette décadence.

Dans les terres basses du Cumberland, les mines de charbon reparaissent ; la houille qui en sort s’exporte tout entière pour l’Ecosse et l’Irlande par les ports de Whitchaven, Workington et Maryport. Ce commerce fait vivre une nombreuse population, dont les besoins exercent sur l’agriculture leur influence ordinaire. Quels que soient les progrès que l’art de cultiver ait faits depuis un demi-siècle, ils n’ont pu aller aussi vite que la consommation, et les villes populeuses de la côte sont forcées de faire venir du dehors une partie de leur approvisionnement. Les fermiers voisins ont donc devant eux un débouché indéfini, et leur émulation est fortement excitée par la certitude du profit. La race courtes-cornes commence à se répandre