Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/1167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une réduction de profits. Les salaires sont de 2 francs par jour de travail, et la taxe des pauvres, thermomètre infaillible de l’aisance des classes laborieuses, est très peu élevée ; dans les domaines de lord Hatherton, il arrive souvent qu’il n’y ait pas un seul pauvre ayant besoin de secours. Dans tout le comté, le nombre des pauvres ne s’élève en moyenne qu’à 4 pour 100 de la population totale, tandis que dans le Wilts il monte à 16 pour 100. C’est encore l’assolement de Norfolk qui a produit celle prospérité. Partout où cet assolement se rencontre avec la grande propriété et le développement industriel, l’agriculture anglaise arrive à son apogée. Le Stafford y joint les bienfaits de l’irrigation, qui a transformé des pentes stériles en excellentes prairies.

Les principales fermes du pays sont celle de lord Hatherton, à Teddesley, qui n’a pas moins de 1,700 acres ou 720 hectares, celle du duc de Sutherland à Trentham, et enfin Drayton-Manor, résidence de sir Robert Peel. Il est assez curieux de voir comment sir Robert, grand propriétaire lui-même, a résolu pour ses affaires privées la question qu’il avait si résolument posée dans un intérêt public. Tout le monde se rappelle la fameuse lettre à ses tenanciers du 24 décembre 1849 ; le programme qu’elle contenait a été exécuté. Sir Robert a fait drainer presque toutes ses terres à ses frais, sous la direction de M. Parkes, à la condition que les fermiers lui paieraient 4 pour 100 de la dépense, ce qu’ils ont accepté, toutes les rentes ont été révisées, très peu ont été réduites, parce qu’elles étaient en général modérées, et pour tout dire en un mot, les fermiers à qui l’on a offert des baux les ont refusés ; ils aiment mieux continuer à louer à l’année leurs fermes, que la plupart d’entre eux exploitent de génération en génération. Les propriétés de sir Robert Peel sont un modèle de bonne administration ; l’excellent entretien des bâtimens ruraux, l’état des chemins, les travaux de nivellement et de drainage, la construction de bons cottages pour les ouvriers avec jardins attenans, tout annonce chez le maître la richesse et la libéralité ; de leur côté, les fermiers, pleins de confiance dans leur landlord, n’hésitent pas à faire des avances à la terre qui la leur rend avec usure ; partout les instrumens les plus perfectionnés, les semences les plus choisies, les pratiques les plus productives, partout aussi les plus belles récoltes et les plus beaux animaux ; les journaliers eux-mêmes travaillent avec plus d’ardeur, sûrs qu’ils sont d’une sorte de providence qui veille sur eux et satisfait d’avance à leurs besoins. C’est là, comme chez le duc de Bedford, le duc de Portland, lord Hatherton, qu’on peut voir l’idéal du grand propriétaire anglais, qui se considère comme ayant au moins autant de devoirs que de droits, et qui fait tourner au profit de la population qu’il gouverne, comme