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et de Warwick, les bords pittoresques de l’Avon, donnent un attrait de plus à cette excursion, que peut couronner l’immense étude des manufactures de Birmingham ; et pour que rien ne manque à ce résumé des merveilles de l’Angleterre, la grande ombre de Shakspeare vous accompagne dans ce pays, où il est né.

Dans l’état actuel de nos campagnes, il n’y a peut-être aucune partie de la France qui puisse soutenir la comparaison avec le comté de Warwick ; notre sol n’est à peu près nulle part aussi soigneusement paré par la main de l’homme. Ces Anglais connaissent d’ailleurs toutes leurs richesses, tandis que nous ne connaissons pas les nôtres. Il n’y a pas de paysage anglais un peu plus frais ou un peu plus fertile que les autres qui n’ait immédiatement sa renommée, et qui ne soit connu au moins de nom par tout le monde. Chez nous au contraire, que de riantes vallées, de plaines fécondes et de coteaux aux gracieux contours, qui étalent au soleil leurs splendeurs ignorées sans qu’aucun œil curieux vienne les visiter ! Nos voisins sont fiers à juste titre des magnifiques châteaux qui peuplent leur île ; mais, même sous ce rapport, nous ne sommes pas aussi inférieurs qu’on pourrait le croire : nos campagnes n’ont pas toujours été aussi désertées par les familles opulentes que depuis un siècle environ, et avant 1789 nous étions au moins aussi riches qu’eux en belles résidences rurales. Après toutes les démolitions accomplies tantôt par la rage révolutionnaire, tantôt par une sauvage spéculation, on pourrait encore, en cherchant bien, retrouver chez nous assez de châteaux des trois derniers siècles pour les opposer aux plus célèbres manoirs anglais ; seulement les notres tombent en ruines, tandis que les leurs, conservés avec un soin religieux, agrandis de génération en génération, vénérés de tous comme un patrimoine national, restent debout et impérissables. Leurs ruines mêmes, quand ils en ont, ce qui est rare, sont entretenues avec amour ; ils vont jusqu’à en simuler quand ils en manquent, et le goût des constructions dans le style aigu et tourmenté, qui a reçu le nom de Tudor, est poussé jusqu’au ridicule.

Ce que je viens de dire du Warwickshire s’applique également aux comtés de Worcester et de Leicester, ses voisins. La vallée de l’Avon se continue dans le Worcester avec les mêmes grâces et la même fécondité. Le Leicester est peut-être plus riche encore. C’est surtout dans les terrains de lias que les herbages réussissent, et il y a beaucoup de terrains de ce genre dans le Leicester. La petite ville de Melton-Mowbray est dans la belle saison le rendez-vous des amateurs de la chasse au renard ; elle doit ce privilège à la configuration de son sol, légèrement accidenté, où de molles rivières, coulant à pleins bords, serpentent paresseusement au milieu de grasses prairies entrecoupées de haies ; toutes les conditions exigées pour le