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sculpture enseignent à la foule ce que les lettres enseignent aux savans, et l’ignorant se plaît à la simplicité des tableaux comme le sage aux mystères des livres. »


IV. – LES ANIMAUX DANS L’ART CHRETIEN.

Ainsi que la littérature et la science, l’architecture et les arts qui servent à la décorer s’inspirent d’une double tradition : l’une qui prend sa source dans le paganisme, se traduit par une imitation servile et irraisonnée de l’antiquité, et concourt uniquement à l’ornementation matérielle ; l’autre, spiritualiste et symbolique, qui s’inspire, comme les Bestiaires, de la Bible et des pères, et suit pas à pas le développement de la civilisation religieuse. Cette dernière se révèle pour la première fois dans les catacombes et sur les tombeaux des apôtres et des martyrs de la foi nouvelle. Là tout est simple, expressif, rationnel, et il est hors de doute que dans cette première période l’enseignement symbolique était parfaitement compris et tout à fait populaire. Malheureusement, du VIIe au XIe siècle, l’art se dégrade en même temps que l’enseignement religieux se voile et s’obscurcit. Les artistes copient au hasard tous les modèles qu’ils rencontrent, excepté toutefois ceux que leur offre la nature, et en ce point ils procèdent exactement comme l’auteur du Physiologus, Guillaume le Normand, ou maître Richard de Fournival. Ils ont des cartons qui les dispensent d’inventer, de réfléchir, comme plus tard les prédicateurs auront des sommes où ils puiseront leur éloquence toute faite. Dans cette barbarie, la tradition symbolique s’efface ; mais après l’an 1000, après cette année fatale, redoutée longtemps comme le terme de la vie de l’humanité, le monde entier, suivant l’expression du chroniqueur Raoul Glaber, secoua les haillons de son antiquité pour revêtir la robe blanche des églises. Les lettres se ranimèrent comme les arts, et bientôt l’architecture, expression fidèle de la pensée des mystiques, offrit sous une forme sensible un enseignement théologique et moral, complet et profond. La chute et la rédemption, le travail de l’homme sur la terre, la résurrection, le jugement dernier et le monde en adoration devant Dieu, telles sont, à l’apogée de l’art architectural du moyen âge, les idées génératrices des monumens figurés. La porte de l’église métropolitaine de Paris dite porte du Zodiaque en offre un exemple d’autant plus curieux que la pensée chrétienne s’y combine avec un symbole antique. Dieu, sous la figure de Jupiter, le pire des choses, est représenté comme le centre universel, l’alpha et l’oméga, entre le char du soleil, le char de la lune, la terre, la mer et les douze signes du zodiaque. Le triomphe de la Vierge offre dans la même cathédrale une représentation analogue.