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moment, l’attention est tournée vers Sonora, qui pourrait donner au Mexique sa Californie, comme l’Angleterre vient de trouver la sienne en Australie. Une expédition dirigée par un Français, M. Raousset de Boulbon[1], s’organise pour aller conquérir cette toison d’or. En attendant, c’est l’argent qui forme la principale richesse du pays. Pour avoir une idée des mines d’argent du Mexique, je vais visiter celles de Real-del-Monte, exploitées maintenant par une compagnie anglaise et dans lesquelles il est intéressant de comparer les divers procédés mis en usage pour l’extraction de l’argent.

Dans la diligence qui nous a conduits aux mines de Real-del-Monte, presque tout le monde parlait français. C’est à Pachuca, petite ville située au pied des montagnes, que l’on quitte la diligence et que l’on monte à cheval pour gagner les mines. Ces montagnes paraissent au premier coup d’œil arides et dénuées d’arbres. Cette pauvreté apparente recèle des trésors; jamais il n’y eut un plus grand contraste entre l’apparence et la réalité. Quand on pénètre dans ce qui semblait un désert de roches dépouillées, la végétation reparaît, et Real-del-Monte est d’un aspect beaucoup moins sévère; mais la température a changé. Nous sommes près de la Terre-Froide. Il n’y a plus de traces de la végétation tropicale. Le blé croît sur les plateaux, et de beaux arbres couvrent les sommets. Le soir, sur le balcon en bois de notre auberge, nous pouvons nous croire dans un village de la Suisse ou des Pyrénées.


Real-del-Monte.

Nous sommes montés à cheval de bonne heure et nous nous sommes mis en route pour la première exploitation que nous devions visiter. Plusieurs améliorations y ont été introduites par la compagnie anglaise, entre autres le revolving furnace, fourneau à sole tournante qui donne sur le bois employé une économie de près de moitié; on y a établi aussi les barils tournans, dont le travail remplace le piétinement des mulets, procédé usité généralement en Amérique pour unir au mercure l’argent contenu dans le minerai, et qui, par cette raison, a reçu le nom de procédé américain. Cette dernière méthode, fruit d’une routine ingénieu.se, avait jusqu’alors triomphé complètement au Mexique; mais la méthode allemande des barils tournans, au moyen desquels s’opère le mélange du mercure et de l’argent, prévaut aujourd’hui dans les mines de Real-del-Monte, exploitées, par la compagnie anglaise. C’est dans l’industrie minière du Mexique un changement considérable et une sorte de révolution qu’il est important de signaler, car selon les hommes les plus

  1. On sait maintenant que cette expédition n’a pas réussi; mais j’ai vu une fois M. Raousset de Boulbon à Mexico, et je crois qu’il est homme à recommencer.