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CARACTERES


ET


RECITS DU TEMPS.




LA BONNE FORTUNE DE BEN-AFROUN.




« On devra sans cesse médire les uns des autres, et si l’on admet un étranger dans la société, on dira publiquement tout ce qu’on peut avoir appris de ses péchés, sans être retenu par aucune considération. » Ainsi parle Machiavel dans son Règlement pour une société de plaisir, article IV, si j’ai bonne mémoire. Quelques personnes, réunies récemment dans une ville où l’on prend des eaux que je crois fort peu salutaires, suivaient avec conscience cette prescription du moraliste florentin. L’objet de leurs discours était la duchesse Thécla de Glenworth, qui venait d’apparaître la veille, après une absence de sept années, aussi belle qu’aux jours de ses triomphes les plus éclatans. Quelqu’un qui possède, comme dit encore Machiavel, une certaine expérience des hommes et des femmes écouta ces propos silencieusement, se retira, et, pris entre minuit et une heure par une de ces insomnies qu’on ne sait comment combattre, s’imagina d’écrire sur ce qu’il avait entendu. Voici l’œuvre de cette nuit inquiète amenée par une soirée médisante. Ou je me trompe, ou il y a là quelque chose qu’on ne trouverait point dans un récit composé avec des préoccupations littéraires. L’homme à l’insomnie avait connu la duchesse Thécla et n’en parlait qu’à lui-même ; il ressemblait à Hoffmann écrivant sur