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LE


THEATRE EN FRANCE


EN 1853.




L’école dramatique de la restauration est demeurée bien loin de ses promesses. C’est un fait acquis désormais à la discussion, et que nous n’essaierons pas de démontrer, car l’évidence a dessillé les yeux des plus incrédules. Tout le monde sait maintenant à quoi s’en tenir sur la résurrection de Shakspeare, annoncée par les hérauts de l’école nouvelle; et quand je dis résurrection, j’attribue aux néophytes et aux hiérophantes une modestie qui n’était ni dans leur caractère ni dans leur langage. Les esprits familiarisés avec leurs prétentions n’ont pas oublié qu’ils nous annonçaient un poète qui serait à Shakspeare ce que Napoléon est à Charlemagne. Cette formule ingénieuse, bien que présentée à la foule sous la forme interrogative, était acceptée comme une affirmation par tous les initiés, et c’est au nom de cette formule que nous devons estimer les œuvres poétiques accomplies en France depuis vingt ans. A Dieu ne plaise que j’entreprenne de rabaisser le mérite des tentatives qui ont signalé la première partie de cette période : il n’est permis qu’à l’ignorance de nier tout ce qu’il y avait à la fois de légitime et de hardi dans les projets de la génération nouvelle. Malheureusement les faits sont restés bien au-dessous des paroles. Nous attendons encore, et sans doute nous attendrons longtemps le poète prédestiné qui devait rattacher la France au siècle d’Elisabeth.

L’Angleterre n’était pas le seul pays dont les enseignemens fussent invoqués comme un moyen de régénération; l’illustre Florentin qui a fondé tout à la fois la langue et la poésie de l’Italie figurait près de Shakspeare dans l’arbre généalogique de la nouvelle école; chacun