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historique de celle de Prométhée, puisqu’on y voit la descendance d’Io, cette grande colonie des Iones, établie naguère dans la région triangulaire du Nil, revenir à sa terre promise, au pays de ses ancêtres et de son brillant avenir, comme Prométhée le lui avait prédit Ce n’est certes pas à ce mythe qu’il est permis d’appliquer le symbolisme aventureux qui part de l’abstraction ; Tout s’y rapporte de trop près aux événemens de la dix-huitième et de la dix-neuvième dynastie des Pharaons, pour qu’on puisse en contester le fondement historique. L’expulsion partielle, successive, et les retours passagers des envahisseurs de l’Égypte, la puissante réaction de Rhamsès contre les nations étrangères, parmi lesquelles les Iones sont nommés par les monumens, les récits de Manéthon sur la révolte et la fuite de Danaüs, la conformité des récits bibliques, si remarquable qu’on a considéré Danaüs comme le Moïse de la Grèce, enfin les traditions grecques, et surtout celle d’Eschyle, deux fois écrite dans le Prométhée et dans les Suppliantes, impriment à cet épisode, quant à ses élémens principaux, une certitude à laquelle bien des événemens non contestés ne sauraient prétendre.

La première pièce de cette trilogie était intitulée les Égyptiens ; elle exposait l’oppression de Danaüs et de sa tribu en Égypte. Il s’enfuit avec ses cinquante filles, que les cinquante fils d’Égyptus voulaient épouser par force, ce qui signifie, en langage mythique, que les Égyptiens avaient voulu réduire la race d’Io en esclavage, et c’était le temps en effet où ils traitaient de même la race de Jacob ; il fallait des bras pour élever les énormes monumens de cette époque, dont tant de restes sont encore debout aujourd’hui. Ainsi, dans cette première partie, l’antagonisme entre la race grecque et la race égyptienne est assez clair ; c’est le fond même du sujet, c’est l’exode de la tribu danaïde qui se dérobe, comme Israël, au joug d’un maître barbare.

Au début de la seconde pièce, — les Suppliantes, — les cinquante Danaïdes, débarquées sur la rive de l’Argolide, voient sur la mer les navires égyptiens qui les poursuivent, qui vont les atteindre, et comme Moïse, elles appellent leur dieu protecteur pour qu’il fasse périr dans les flots ces persécuteurs : « O Jupiter, sauveur et gardien des hommes purs, favorise d’un souffle bienveillant notre troupe suppliante, mais rejette dans la mer, avec ses chars aux rames rapides, cet essaim persécuteur d’enfans de l’Égypte, avant qu’ils ne mettent les pieds sur cette terre qui les repousse ; que sous les coups d’une tempête battante, remplie de tonnerres et d’éclairs et de vents porteurs de déluges, ils ne trouvent devant eux que des flots sauvages et y soient engloutis ! » Le roi d’Argos, Pelasgus, averti de l’arrivée d’une troupe inconnue, vient apprendre de Danaüs l’histoire d’Io et de leurs ancêtres communs ; le peuple d’Argos prend, à l’unanimité des suffrages, envers et contre tous la protection de cette tribu parente. En