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premier chef des anciens Toltèques, et ceux de Necaxecmitl, le pieux adorateur des dieux ; si je vous demandais où est la beauté incomparable de la glorieuse impératrice Xiuhtzal... »


On voit qu’à côté de ces souverains, dont les noms un peu longs parfois étaient populaires au Mexique, mais auront de la peine à le devenir en Europe, le poète de Tezcuco plaçait aussi ceux des femmes célèbres par leur beauté. C’est un rappoit de plus entre lui et notre Villon, qui se demande où est Flora, la belle Romaine :

La reine, blanche comme un lis,
Qui chantoit à voix de sereine (sirène),


et qui finit cette énumération mélancolique par ce vers d’une grâce charmante, si souvent cité :

Mais où sont les neiges d’autan (de l’an passé) ?

Le poète mexicain, qui ne voyait pas fondre la neige chaque année, qui ne connaissait que les neiges impérissables des sommets de la Cordillère, n’a pu se rencontrer avec l’enfant de Paris dans ce dernier trait. Lui, il compare les grandeurs passagères aux fumées du Popocatepetl, et il trouve aussi une comparaison gracieuse pour exprimer la vanité des gloires humaines : « Tout cela est semblable à des bouquets qui passent de mains en mains, qui se fanent, et qui finissent par disparaître du monde. »

Les Aztèques connaissaient plusieurs des produits végétaux aujourd’hui les plus employés en Europe. Ils ne possédaient pas le blé, qui fut introduit par un nègre esclave de Cortez, mais ils cultivaient l’indigo, la cochenille, le coton, mentionné aussi dans le vieux monde dès le temps d’Hérodote, le sucre, qu’ils tiraient de l’aloès et même de la canne. C’est à eux que nous devons le chocolat, dont le nom est mexicain (calahuatl), et qu’ils gâtaient en y ajoutant des épices et des aromates dont la vanille est la seule trace aujourd’hui. Ils en faisaient, avec de la farine, une sorte de bouillie à laquelle ils mêlaient le piment et le rocou. Ln soldat espagnol disait que ce mélange était bon à donner aux cochons. C’est ce que nos paysans disaient, il n’y a pas longtemps, de la pomme de terre. La pomme de terre elle-même est indigène au Mexique, et ne croît à l’état sauvage dans aucun autre pays. Quand Raleigh l’apporta de la Virginie en Angleterre, elle avait peut-être été déjà portée en Europe, et d’Europe dans le Nouveau-Monde, car on ne voit pas trop comment elle serait arrivée directement du Mexique à la Virginie. Aussi a-t-elle partout en Amérique le nom de pomme de terre irlandaise pour la distinguer de la patate ou pomme de terre douce. Pour le tabac, j’ai déjà dit que les anciens Mexicains en connaissaient l’usage; ils