Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/1034

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


Séparateur


30 novembre 1853.

S’il est quelque chose qui fasse sentir le besoin d’avoir toujours en vue les grands côtés de la crise qui s’agite en Orient, de ne point mettre tout à fait ses opinions à la merci des événement, c’est bien certainement la mobilité de ces événemens eux-mêmes, l’incertitude de tout ce qui vient des régions où ils s’accomplissent. Observez un moment en effet : depuis que les cabinets sont occupés à chercher le moyen de renouer des négociations toujours impuissantes, depuis qu’à ces négociations infructueuses la guerre a succédé définitivement, — une guerre sérieuse et pleine de périls entre la Russie et la Turquie, — quel est le jour où l’aspect des choses n’ait point changé, où il n’ait fallu revenir sur le fait de la veille pour le rectifier, l’interpréter ou l’expliquer ? cette incertitude s’accroît par l’éloignement du théâtre des événemens, par l’obscurité calculée sans doute dont s’enveloppent aujourd’hui les chefs des forces ottomanes et russes, et quelquefois aussi, on ne saurait s’y méprendre, par suite de l’intérêt qu’ont les spéculateurs européens à livrer à la circulation les nouvelles les plus contradictoires. On n’est d’accord souvent ni sur la date de certains engagemens, ni sur leur existence même, ni sur les lieux où ils se sont passés, ni sur le vrai nom de ces lieux. Au milieu de cette confusion singulière, que reste-t-il à faire, si ce n’est à tâcher de distinguer ce qui est incontestable, à faire, la part des incidens qui peuvent nous ramener à la paix, comme aussi des incidens qui peuvent pousser la guerre à ses conséquences les plus extrêmes ?

C’est aujourd’hui ; comme ou sait, sur un double théâtre, en Europe et en Asie, que se poursuit la lutte entre la Russie et la Turquie. Commençons par le Danube. Il y a quelques jours, les Turcs tentaient un coup des plus hardis en franchissant le fleuve et en prenant pied dans les principautés sur plusieurs points à la fois, en face de Turlukaï, à Giurgewo et à Kalafat ; le résultat même semblait sourire à cet élan de l’armée ottomane. Le premier engagement avec les Russes, à Oltenitza, était tout en faveur des Turcs, et ceux-ci demeuraient maîtres de leurs positions ; il ne restait plus, à ce qu’il semblait,