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LA


BANQUE DE FRANCE


ET LE


TAUX DE L'INTERET.





La Banque de France, qui passe à juste titre pour un des établissement de crédit les plus solidement constitués, avait adopté dès le principe et a longtemps observé, dans ses transactions, des règles de conduite qui la plaçaient en dehors de la pratique européenne. Partout ailleurs, les caisses de prêt et d’escompte suivaient, je ne dis pas les oscillations, mais les mouvemens du marché ; elles mesuraient les conditions du crédit aux circonstances, elles élevaient le loyer de l’argent lorsque l’argent devenait rare, et diminuaient le taux de l’intérêt quand les capitaux se trouvaient encore une fois abondans. Le commerce de l’argent obéissait ainsi à l’inévitable loi qui s’impose au trafic de toute marchandise : on constatait la valeur, on ne cherchait pas arbitrairement à la fixer.

Seule en Europe, la Banque de France a eu la prétention d’échapper à cette loi économique. Pendant plus d’un quart de siècle, elle a rendu à peu près invariable le taux de ses escomptes et de ses prêts. Les empires avaient beau s’écrouler, les révolutions se succéder et la paix remplacer la guerre : ces événemens, qui renversaient ou éditaient les fortunes individuelles et qui changeaient périodiquement la situation du crédit public, du commerce et de l’industrie, trouvaient le conseil de la Banque inébranlable. Dans les jours néfastes aussi bien que dans les temps prospères, il maintenait comme une tradition et comme un principe le taux de 4 pour 100.

La Banque avait évidemment puisé dans les souvenirs des difficultés qui environnèrent son berceau des impressions qui ne s’accordent pas avec les