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sont nommés par les autres anciens ; ils composent l’administration de l’église et se réunissent de temps en temps en conférences et en synodes. Il existe deux ordres de prêtrise, celui de Melchisédech et celui d’Aaron. C’est au premier qu’appartient la supériorité, parce que Melchisédech était le grand-prêtre de Dieu, l’homme qui avait été commis par le Christ. Le sacerdoce saronique ne tenait au contraire que les clés du ministère des anges. La prêtrise de Melchisédech a autorité sur toutes les choses saintes, et le ministre de cet ordre peut officier dans toutes les églises. Les prêtres d’Aaron, qui sont gouvernés par des évêques, n’administrent que le baptême de repentance ; ceux de Melchisédech ont vraiment les clés du royaume des deux.

Dans les rites comme dans la hiérarchie, les Mormons cherchent à se rapprocher des premiers chrétiens ; ils baptisent par immersion, et le baptême ne doit être administré qu’aux personnes qui croient et se repentent, conformément aux paroles de saint Marc. Celui qui baptise doit être appelé et autorisé par Jésus-Christ ; il se plonge avec le catéchumène dans l’eau baptismale, en appelant celui-ci à haute voix par son nom. Cette cérémonie du baptême par immersion est un emblème frappant de la purification de l’âme : sur des imaginations vives et impressionnables, elle exerce une action vraiment puissante. C’est par là qu’il faut expliquer les progrès considérables qu’une autre secte, celle des baptistes, qui administre de la sorte le baptême, ne cesse de faire en Amérique, et surtout dans les classes inférieures, chez les noirs et les pionniers du Far-West. En Californie, la première église protestante qui ait été construite est une église baptiste, et ce qu’il y a de remarquable, c’est qu’une des branches des baptistes, les general-baptits, qui ont substitué le baptême par aspersion au baptême par immersion, ont beaucoup moins de succès que les particular-baptists, qui tiennent pour l’immersion. On peut même dire que c’est ce mode d’administration du baptême qui constitue la différence essentielle entre les sectaires baptistes et les autres protestans. Ils n’ont guère d’unité de dogme, et un de leurs premiers apôtres, Jean Smith, qui prêchait en Angleterre vers le commencement du XVIIe siècle, faisait surtout consister dans le baptême par immersion sa nouvelle doctrine.

Quand on étudie la statistique des églises baptistes, on est frappé de leur accroissement considérable. En Amérique, il y avait déjà en 1793 – 956 églises de particular-baptists, 20 de general-baptists, 12 de baptistes-sabbataires et quelques autres congrégations avec des nuances différentes. Aujourd’hui le nombre en a plus que doublé. Dans le seul état de Virginie, où ils n’étaient en 1771, que 1, 335 membres, on en comptait 31, 052 en 1810, et, il y a quelques années, près de 50, 000. Les baptistes ont envoyé des missionnaires jusque dans les Indes, et l’un d’eux, M. Carey, a été un orientaliste fort distingué. En Angleterre, ils demeurent encore fort nombreux, et leurs chapelles se multiplient tous les jours. Cette influence qu’exerce le baptême par immersion, principalement sur l’esprit des noirs, n’a point échappé aux méthodistes dont le zèle ne le cède guère du reste à leurs rivaux les rebaptisans, et beaucoup ont pris le parti d’administrer le baptême par immersion, que les nègres s’entêtent à tenir pour le plus efficace. Les négresses surtout ont un goût particulier pour le sacrement ainsi donné. On en a vu souvent qui se faisaient