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révélation vint lui commander de retourner dans le Missouri et d’aller s’y établir définitivement.

La fuite était le grand moyen de Smith, et ses hégires se comptent par dizaines, il décampa nuitamment, en vrai banqueroutier, et alla tombée, quand on ne l’attendait pas, au milieu du comté de Clay, où il trouva son église dans le plus fâcheux état. L’anarchie, le schisme, y levaient insolemment la tête. Le théosophe se vit dans la nécessité de frapper de grands coups et de se séparer de ses plus anciens et de ses plus fidèles serviteurs. Il dénonça comme des traîtres et Martin Harris, l’évêque de la première église du Missouri, et Sidney Rigdom, qui était presque son égal dans le pontificat, et Olivier Gowdery, qu’on avait vu plusieurs fois lui servir d’ambassadeur, et qui était de plus l’un des trois témoins de l’authenticité des plaques. La populace du pays, plus hostile que jamais aux Mormons, profita de cette désunion pour attaquer les saints en diverses occasions et essayer de les expulser une seconde fois. Ces tentatives aboutirent à une attaque en règle à la fin d’octobre 1838, dirigée par la milice, du pays et commandée par le brigadier-général Doniphan. Les autorités avaient définitivement pris parti contre les sectaires. Après divers pourparlers, on surprit les Mormons à Haun’s Mill, et on en massacra impitoyablement un grand nombre. La nouvelle église devint alors toute militante. Ses membres ne s’occupèrent plus guère que des moyens de se défendre d’abord, et ensuite d’aller chercher un refuge dans l’Illinois. Le major-général Clarke, qui commandait les troupes du pays, annonçait tout haut le projet de leur entière extermination. Le prophète tomba avec son frère Hyrum au pouvoir de ses ennemis, ainsi que trois autres des principaux Mormons. Les saints du dernier jour s’étaient détendus et avaient combattu à la fois pour leurs propriétés et pour leur vie. On les accusait de trahison comme s’étant insurgés contre l’état de Missouri ; de meurtre, parce que dans un des engagemens ils avaient tué quelques-uns des assaillans ; de félonie, parce qu’à la suite de ces luttes à main armée, il y avait eu des biens pillés et saccagés. Joseph et Hyrum Smith parvinrent, non sans peine, à se faire acquitter, après six mois de détention et de souffrances. Pendant ce temps, les habitans du Missouri obligeaient les Mormons, désormais sans défense, de quitter leur établissement, et dans l’hiver fort rude de 1838 à 1839, toute la colonie fut inexorablement chassée sans avoir le temps de traiter de la vente de ses fermes. Obligés de s’enfuir dans les prairies et dans les forêts, les infortunés gagnèrent par petites troupes et dans le plus affreux dénûment l’état d’Illinois, où heureusement les attendait l’accueil hospitalier des habitans américains et indiens. Des souscriptions furent ouvertes en leur faveur ; on leur procura des fermes, des moulins, des magasins. La société des saints du dernier jour entra dans une période de prospérité qui fut marquée comme toujours par de nombreuses conversions. C’est au milieu de son église régénérée que M. Smith, sorti de prison, vint tout à coup faire son apparition au printemps de 1839. Il réchauffa par son éloquence l’enthousiasme des sectaires et appela de tous les points des États-Unis vers l’Illinois ceux qui avaient embrassé sa religion, les invitant à venir apporter à la nouvelle Jérusalem le secours de leurs bras et de leur argent.

Le grand développement que prit dans l’Illinois la secte mormonique inspira