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s’élevait à trente. Smith commença à donner le baptême par immersion, et fit, pour faciliter l’administration de ce sacrement, construire une digue dans un cours d’eau des environs de la ville de Fayette. La populace, qui voyait d’assez mauvais œil le nouveau prophète, et qui n’attend pas d’ordinaire les tribunaux pour exécuter les arrêts de ce qu’elle appelle la justice, fit irruption sur la digue, poussant des cris et des menaces contre Smith et les siens, le traitant d’imposteur et d’escroc. Le prophète ne se laissa pas intimider par ce premier symptôme de persécution. Il fit devant tout le monde une humble confession de sa vie passée, dont il ne dissimula ni les torts ni les désordres ; mais il ajouta avec fermeté, avec une apparence de profonde conviction, que le Seigneur lui avait remis ses péchés. C’était le Seigneur qui, dans ses insondables desseins, l’avait choisi, tout faible et tout peccable qu’il était, pour être l’instrument de sa gloire. « Je suis, ajouta-t-il, sans lettres, sans instruction ; mais saint Pierre n’était-il pas aussi ignorant que moi ? Saint Jean et les autres apôtres que le Christ appela à lui ne sortaient-ils pas d’une condition aussi humble que la mienne ? Dieu ne peut-il pas faire une seconde fois ce qu’il a fait une première ? » Cette allocution produisit son effet ; elle fortifia la foi du petit nombre de ses disciples, et ferma la bouche à quelques-uns de ses adversaires. Quant aux autres, leur haine ne fit que s’échauffer davantage. Ils méditèrent contre J. Smith des projets de vengeance. Le nouvel envoyé de Dieu sentit que son éloquence pourrait bien n’avoir pas deux fois raison ; aussi abandonna-t-il avec sa famille Palmyre, et Fayette, et alla-t-il se fixer à Kirtland, petite ville située, comme Fayette, dans l’état d’Ohio.

La persécution fit naître chez les Mormons l’idée d’émigration. On songea dès lors parmi eux à aller choisir dans le Far-West quelque territoire où ils pourraient en sécurité pratiquer leur nouvelle foi. Ils envoyèrent à la découverte l’un d’eux, nommé Olivier Cowdery, qui ne tarda pas à revenir en faisant un rapport si favorable sur la beauté, la fertilité du comté de Jackson, dans le Missouri, que Smith se détermina à aller examiner cette nouvelle terre promise. En compagnie de quelques-uns de ses plus zélés apôtres, il se rendit, non sans peine, après un voyage de plus d’un mois, dans le Missouri. Le nouveau prophète approuva le choix qu’avait fait Cowdery, et il prit la résolution irrévocable de fixer dans le Missouri la Nouuvelle-Sion. Aussi, dès le premier dimanche après son arrivée, avait-il commencé à convertir au milieu du désert une troupe d’indiens et de pionniers attirés par la vue de ces hommes inconnus arrivés depuis peu. Il rallia au mormonisme quelques-uns de ses auditeurs, puis prépara tout pour l’établissement de sa prochaine colonie. Il commit à Martin Harris, l’un des anges de Dieu, c’est-à-dire un des évêques de la nouvelle église, le soin du petit troupeau. Après avoir choisi l’emplacement du nouveau temple et en avoir fait solennellement la consécration, il reprit le chemin de Kirtland. Il retrouva là les saints restés au bercail, mais dont le nombre n’avait pas grossi en son absence. Poursuivant avec une ardeur infatigable son apostolat, Smith courut alors une partie des États-Unis, prêchant à droite et à gauche sa nouvelle doctrine. Le nombre des convertis s’augmentait de jour en jour, mais à ce succès se mêlaient pour le prophète certaines amertumes. Il voyait poindre dans sa nouvelle