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library) est encore une des richesses les plus renommées du Musée Britannique. Cette fin de vie, sa modestie, sa douceur, son courage sans faste dans de grandes épreuves, lui méritèrent un retour de faveur publique, et ont en partie effacé les taches que la flexibilité sans conscience et l’égoïsme versatile de son caractère politique auraient pu laisser sur sa mémoire. D’Oxford et de Bolingbroke, c’est Oxford après tout qui a choisi la meilleure part.


XVII

Bolingbroke, une fois en France, ne tarda pas à former de publiques relations avec le prétendant, et bientôt à devenir le ministre de ce roi sans royaume. Rien n’a contribué davantage à convaincre les contemporains et les historiens que, du temps même où il participait au gouvernement de son pays, il préparait ou souhaitait le retour des Stuarts, conspirait avec eux au moins par la pensée, et méritait moralement la condamnation qui a détruit sa fortune, châtié son ambition, flétri son nom. Sous ce rapport, la notoriété historique s’élève encore contre lui ; des écrivains très éclairés, parmi lesquels il suffit de citer lord Brougham, lord Mahon, sir James Mackintosh, M. Hallam, n’hésitent pas en jurés à prononcer : coupable. Cependant ils ne sont d’accord ni sur l’étendue de la culpabilité ni sur la nature des preuves, et ils laissent encore percer des doutes dans le cours de leurs recherches, tout en se montrant assez affirmatifs dans leur jugement général. Il est impossible de se taire sur cette question difficile et controversée ; il est impossible de la traiter dans tous ses détails : ce serait le sujet d’un ouvrage. Les quatre dernières années du règne de la reine Anne sont regardées comme un problème historique, et ce problème comprend l’examen de la paix d’Utrecht, laquelle se lie à la politique générale de l’Europe depuis plus d’un siècle. Enfin le rôle biographique, anecdotique, si l’on veut, de chaque personnage connu dans tous les événemens de cette époque constitue pour chacun d’eux un problème particulier qu’il est souvent impossible de résoudre et toujours difficile d’éclaircir. Sans pouvoir éviter de toucher à ces divers sujets, nous ne dirons que l’indispensable pour mettre dans son jour la conduite du seul Bolingbroke.

Il a lui-même et plus d’une fois essayé de l’expliquer. Dans sa Lettre à sir William Wyndham, écrite en 1717 et publiée après sa mort dans une Dissertation sur l’état des partis à l’avènement du roi George Ier, composée en 1738 pour Frédéric, prince de Galles ; enfin dans la huitième de ses Lettres sur l’étude et l’usage de l’Histoire, et qui est une défense habilement élaborée du traité d’Utrecht, il s’est attaché à prouver ce qu’il affirme positivement : c’est que,