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faiblement ; la motion passa sans division. « Vous avez accusé l’écolier, j’accuse le maître, » dit lord Coningsby, et l’impeachment fut également prononcé contre le comte d’Oxford. Toutefois il sembla que le comité avait fait une différence entre les deux ministres, et les hommes les plus considérables, Walpole, Stanhope, laissèrent à d’autres l’initiative de cette seconde accusation. Oxford parut le lendemain à la chambre des pairs ; mais il vit que tout le monde l’évitait, et il se retira. Il reparut le jour où les vingt-deux articles d’accusation y furent portés. Il se défendit en alléguant, en insinuant du moins que plusieurs des actes incriminés n’avaient été que l’exécution d’exprès commandemens de la reine. Il parla avec simplicité et modération, et il inspira de l’intérêt. Le reproche de mauvaise loi envers les alliés, envers les chambres, envers le public, ne pouvait être écarté ; mais il rendit au moins douteux que la mauvaise foi fût arrivée jusqu’à la trahison. Il usa largement de la faculté de nier qu’il eût connu ou conseillé certains actes de la volonté royale, et sa défense montre qu’une assez grande incertitude régnait encore dans les esprits sur la juste étendue de la responsabilité ministérielle. Walpole dit spirituellement que cette défense pouvait s’écrire en deux lignes : « La reine a tout fait, et c’était une pieuse et sage princesse. » Comme l’assemblée avait paru touchée, une minorité assez forte essaya de détourner ou d’ajourner le coup, mais en vain : Oxford fut envoyé à la Tour de Londres.

L’accusation contre le duc d’Ormond souffrit plus de difficulté ; elle fut demandée le 21 juin par Stanhope. Le duc avait beaucoup d’amis ; si sa conduite, à la tête de l’armée de Flandre était peu conforme aux vertus militaires, il n’avait fait qu’obéir à son gouvernement. Son caractère aimable et généreux le rendait populaire ; mais après qu’il eut étalé beaucoup de confiance et de faste, bravé ses ennemis par des rapports publics avec l’opposition jacobite, l’emprisonnement d’Oxford l’intimida. Sa dignité n’était pas de la fermeté. Il songea aussi à la retraite, et étant allé voir le captif à la Tour de Londres, il lui conseilla de chercher un moyen d’évasion. Oxford refusa avec ce calme sans éclat qui ne l’abandonna jamais, et tous deux, en souvenir des célèbres adieux du prince d’Orange, et du comte d’Egmont, se dirent en se quittant. : « Adieu, comte sans tête ! — Adieu, duc sans duché ! » Et Ormond passa en France ; Aussi la motion contre lui fut-elle adoptée, mais à 234 voix contre 187. Comme il était fugitif ainsi que Bolingbroke, l’impeachment contre tous deux fut changé en attainder, c’est-à-dire qu’au lieu d’une accusation portée par la chambre des communes devant celle des lords, un bill, passé par les deux chambres presque sans opposition, les déclara attaint ou hors la loi : peine de mort, mort civile, amende,