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de ses liens avec les diverses opinions, et attestant par momens ses souvenirs de famille ou d’éducation, il n’était regardé par personne, et surtout par les non-conformistes, comme un irréconciliable ennemi ; mais il était profondément décrié et manquait de l’énergie nécessaire pour se relever, Une nature différente et plus encore peut-être la passion de le combattre en toutes choses emportaient Bolingbroke aux extrémités qu’Oxford semblait éviter. Tandis que celui-ci cherchait sous main à s’entendre avec Marlborough, celui-là poussait la fortune du duc d’Ormond, lui obtenait de nouveaux titres, et projetait avec lui une réorganisation de l’armée qui eût achevé de détruire l’influence du vainqueur de Blenheim, et qui manqua parce que le lord trésorier, peut-être à dessein, négligea de faire les fonds nécessaires à la dépense. Partout, il y avait conflit, deux esprits, deux intrigues, deux plans, Bolingbroke avait raison d’écrire, quelques années plus tard, que dès l’automne de 1713 il n’y avait plus de gouvernement.

Ce sont là de ces momens où la presse prend ses ébats. Elle ne connaît plus ni discipline, ni tactique, et ses imprudences, à défaut de ses perfidies, aggravent le mal et propagent la confusion. Le parti jacobite ne pouvait manquer cette occasion de jeter dans le public l’alarme de ses espérances. Un docteur Higden publia une Démonstration du droit héréditaire de la couronne, qui se répandit sous la protection de Bromley, et causa un tel scandale, qu’il fallut que son collègue Bolingbroke en fît poursuivre l’éditeur. De Foe, que ses publications inconsistantes avaient brouillé avec tous les partis, et qui, tout à la fois ministériel et hanovrien, ne parvenait à se donner un air d’indépendance qu’en passant d’un extrême à l’autre, fit spécialement pour les provinces du nord une dénonciation contre les émissaires jacobites, intitulée Précaution opportune. — Irrité des promesses dont on trompait le peuple, il pensa les décréditer en les poussant, à l’extrême, et publia trois pamphlets ironiques où il décrivait toutes les conséquences d’une restauration. L’ironie lui avait déjà mal réussi, et le pauvre De Foe n’avait plus une de ces réputations intactes de fidélité politique qui permette d’employer, sans se rendre suspect, l’artifice hasardeux de la contre-vérité. Tandis que ses trois écrits faisaient crier les catholiques à la perfidie, des esprits malveillans ou grossiers s’indignaient dans le parti contraire, et un écrivain whig, William Benson, portait plainte contre l’auteur en justice, car on sait que la plainte pour un délit public est ouverte à tous en Angleterre. De Foe fut cité, saisi, obligé à donner caution, enfin livré à toutes les tracasseries préalables d’un procès criminel. En vain s’épuisait-il à protester, aux magistrats et au public, de la loyauté de ses intentions, à expliquer comment il avait exprès dit le contraire de sa