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caractéristique de ces derniers mois ; la solution pacifique de ce grand débat est l’événement de ces derniers jours. On ne saurait se le dissimuler, c’est un poids de moins sur la situation intérieure de tous les pays, dont la vie sans doute va reprendre son cours. Quant aux faits intérieurs en France, ils sont encore en petit nombre ; ils se réduisent à quelques actes du gouvernement, tels que l’organisation d’une vaste inspection générale du pays confiée à des conseillers d’état, à des bruits, à des préparatifs de fête, à des procès de sociétés secrètes un peu de toute couleur, où on voit des conspirateurs qui ne sont pas fort dangereux, à ce qu’il semble. Nous n’avons pas le dessein, on le comprend, de nous arrêter sur ces procès, qui viennent d’être jugés. N’y a-t-il pas seulement parfois des épisodes assez curieux ? n’y rencontre-t-on pas d’une manière ou d’autre des personnages qui font une étrange figure ? Voici, par exemple, un des héros de la dernière période révolutionnaire. M. Proudhon, que l’amour de la famille induit à écrire des placets monarchiques à M. le comte de Chambord. Qu’en faut-il conclure ? C’est qu’évidemment, si le célèbre inventeur de l’anarchie écrit d’une main ses pamphlets socialistes, il a une plume de rechange pour rédiger les exposés de services et en demander la récompense. C’est déjà quelque chose, en cumulant ces sortes de travaux, de ne point se tromper et de ne pas confondre les couleurs. Elevons-nous au-dessus de ces incidens que quelque révélation imprévue jette parfois à la curiosité publique, comme pour aider à déchiffrer le caractère moral de notre temps. Il y avait récemment une cérémonie qui, sans avoir un intérêt politique, se l’attache toujours néanmoins par quelque côté à l’ensemble des choses propres à fixer un moment l’attention : c’est la distribution des prix du grand concours. C’est une fête presque intime pour les familles, mais ces solennités ont en même temps un autre sens plus général ; il y a une sorte d’intérêt émouvant et élevé à contempler cette arène d’où vont sortir tant de jeunes gens qui seront hommes demain, qui auront à remplir laborieusement leur destinée, qui joueront peut-être, un rôle sur la scène du monde. Alors on se prend à méditer dans un recueillement religieux sur ce qu’il y a de grave dans la mission de l’enseignement public, sur les devoirs qu’elle impose à ceux qui en sont chargés. Former des hommes, tel est le but ; mais parmi les chemins divers qui s’offrent pour y arriver, quel est le meilleur et le plus sûr ? Là est toujours la question. Peut-être a-t-on souvent trop de foi aux méthodes, aux combinaisons nouvelles d’études. À nos yeux, il y a une influence permanente du maître, une direction morale, une sorte de création de tous les instans très supérieure à ces réformes mêmes, dont il était encore question l’autre jour à la Sorbonne. M. le ministre de l’instruction publique n’a point voulu laisser à d’autres le soin de rendre justice à ces réformes, qui ont en effet leur importance, et qui ont si profondément modifié l’éducation publique en France. Quels en seront les résultats ? La prévoyance de M. le ministre de l’instruction publique sait apercevoir dès aujourd’hui tout ce qu’ils ont de fécond. En un an, c’est beaucoup que de se croire déjà assuré du succès, quand il s’agit de tout un système nouveau d’enseignement ; mais le temps confirmera sans doute ces prévisions, et le monument n’en sera pas moins réel pour s’être élevé plus lentement. Peut-être M. le ministre de l’instruction publique a-t-il un peu cédé au penchant des réformateurs en