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seconde séance, la conférence ordonna un armistice. Guillaume en fut consterné. D’abord on le plaçait sur un pied d’égalité avec des rebelles : puis on semblait révoquer en doute ses droits sur le Luxembourg, province dont il se considérait en quelque sorte comme propriétaire, l’ayant obtenue en échange de ses états héréditaires. Le congrès belge, qui était assemblé, se hâta d’adhérer à la résolution de la conférence. Guillaume, qui avait lui-même provoqué l’arbitrage des puissances, ne pouvait se permettre un refus formel ; il s’efforça de gagner du temps, ressource ordinaire des faibles. « Ici, écrivait M. Van der Duyn, on est toujours nerveux et triste, d’autres fois furieux, mais par-là même indécis. On tergiverse, et je suppose, sans le savoir positivement, que les amis de l’autre côté de l’eau permettent, par un égard de politesse, que l’on ne s’explique positivement que quand les autres auront parlé. » Il fallut pourtant se prononcer. L’armistice fut accepté, mais on refusa de faire jouir Anvers du bénéfice de la disposition qui ordonnait la levée du blocus des ports. Le roi prétendit que cela regardait seulement les ports de mer, et que l’Escaut étant une navigation intérieure (d’eau douce apparemment, s’écrie M. Van der Duyn), Anvers n’était point compris dans la mesure. Les Belges se plaignirent ; le secrétaire de l’ambassade anglaise Cartwright vint réclamer en leur nom, mais vainement. La guerre, la guerre générale, telle était la dernière espérance de Guillaume. Il ne se rendait pas compte de l’état de l’Europe, des embarras des puissances, du trouble que la révolution de juillet avait répandu partout et de tout ce qui, à cette époque plus encore peut-être qu’à présent, garantissait le maintien de la paix. M. Van der Duyn en éprouvait une impatience qu’il exprime avec une extrême vivacité : « Il est fou, notre homme, décidément il l’est, ou bien aveugle au point le plus incurable sur sa position et celle des affaires. Croiriez-vous, non, vous ne pourriez le croire, à moins que je ne vous l’affirme, que non-seulement il conserve, avec la prétention de reconquérir la Belgique perdue, l’espoir d’y parvenir et, qui plus est, le projet de l’essayer, et cela malgré les événemens de la Pologne et la non-arrivée à son secours des débris de la sainte-alliance, par conséquent seul à seul ou, pour mieux dire, deux contre quatre ! Mieux encore : la Belgique reconquise par les armes, aidée d’insurrections contre-révolutionnaires, a perdu par sa révolte le droit de faire partie intégrante du royaume ; elle est hors la loi, c’est-à-dire en dehors des droits que lui assurait la loi fondamentale. » M. Van der Duyn combattait les idées du roi : « Sire, lui disait-il, la guerre a ses chances ; elle pourrait être défavorable aux puissances. Ne vaudrait-il pas mieux que, par la paix, un état intermédiaire fût conservé