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en promettant de s’acquitter de l’ambassade. » M. Van der Duyn fut d’avis que le prince ; revint prendre sa place auprès du trône et de son père, et cet avis, qui n’était pas celui du grand chambellan, plus effrayé du mouvement de l’opinion, fut d’abord repoussé par le roi, qui, par un premier message, défendit à son fils de se présenter devant lui ; mais le même jour l’ordre contraire lui fut expédié. Le prince revint en effet et se rendit à l’église avec la famille royale. Malgré la mauvaise humeur du public, en dépit de quelques murmures isolés, il ne fut pas mal accueilli à sa sortie, et le soir il y eut dîner à la cour, « comme si de rien n’était. » Deux jours après, il partit pour Londres, chargé d’une mission imaginée pour colorer son absence. Ce voyage, quoique le but en fût fort différent, lui rappela sans doute celui qu’il avait fait dans le même lieu plus de vingt-cinq ans auparavant. Le succès n’en fut pas plus heureux, et après le refus du trône par le duc de Nemours, quand le prince d’Orange, par une dernière proclamation, se présenta comme candidat au trône belge, il se vit encore une fois, par un singulier jeu de la fortune, préférer le prince Léopold.

Malgré ces nombreux échecs, le roi Guillaume, quoique plus d’une fois ceux qui l’entouraient eussent remarqué en lui un grand abattement, n’était pourtant pas découragé. Les promesses, les essais de conciliation, les moyens militaires, le coup de tête même de l’héritier du trône, rien n’avait réussi. Il dirigea d’un autre côté ses efforts. M. Van der Duyn croit qu’il aurait pu, en traitant directement et ouvertement avec la Belgique, et au moyen de sacrifices que les circonstances commandaient, conserver encore à sa famille le trône belge. Une conversation que M. de Capellen eut quelques années plus tard avec le roi Louis-Philippe donna lieu de penser que le gouvernement français n’y aurait pas fait obstacle. « J’ai vu avec peine, disait le roi des français, le trône de Belgique échapper à la maison d’Orange. J’aurais vivement désiré le lui remettre. Il y aurait eu quelques chances de succès, si l’on avait proposé de donner ce trône au fils puîné du prince d’Orange (le prince Alexandre) ; mais comment aurait-on pu faire une proposition semblable à La Haye, où l’on voulait tout avoir à ce moment ? Cette proposition, venant de moi surtout, ne pouvait être que mal reçue. Je ne devais pas, disait-on, rester six semaines en place. » Puis, faisant allusion au roi de Prusse, qui, à son retour d’Angleterre, avait évité de passer en France, il ajoutait : « On affecte encore de me tenir dans cette espèce de quarantaine. » Le roi Guillaume, irrité contre la France, tourna ses regards vers les plénipotentiaires des cinq grandes puissances qui, réunis à sa demande, formaient la conférence de Londres. Dès la