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il faut au moins joindre deux fils ensemble. Les femmes qui sont généralement chargées de ce travail délicat en saisissent le plus souvent trois, quatre ou même davantage, jusqu’à dix ou douze, suivant la grosseur qu’on veut obtenir. Les cocons sont plongés dans des bassines remplies d’eau chaude, où on les bat quelques instans avec un petit balai de bruyère, pour décoller les filamens et les enrouler ensuite sur des dévidoirs. Cette tâche n’est pas très rude ; mais comme, avec les procédés suivis jusqu’à une époque récente où d’heureux essais ont été faits pour la conservation des cocons, le plus beau fil était celui qu’on laissait le moins longtemps sur les chrysalides, on a pris l’habitude de pousser le dévidage avec la plus grande activité, et de prolonger la durée du travail quotidien jusqu’à quinze et seize heures. La saison de la filature n’occupe ainsi que trois ou quatre mois ; les nouveaux procédés permettront d’en étendre la durée, et de resserrer la tâche quotidienne des fileuses dans des limites plus rationnelles.

Au sortir de la filature, la soie n’est pas encore en état d’être livrée aux fabrications qui l’emploient ; elle doit passer dans des ateliers d’un autre genre appelés ouvraisons ou moulinages, où les fils sont bobinés, tordus et mis en écheveaux. La difficulté principale de cette opération consiste à éviter la rupture des fils et à les rattacher adroitement quand ils viennent à se briser. À la différence des filatures de soie, les moulinages demeurent en activité toute l’année. Bien qu’on n’y ait pas les mêmes motifs que dans les premiers établissemens pour précipiter l’ouvrage, le travail effectif y est aussi long. Pour s’écarter ainsi du terme légal de douze heures, on allègue la nécessité de lutter contre la concurrence extérieure. À nos yeux, les producteurs de soie devraient demander les moyens d’amoindrir le prix de revient de cette riche matière à la bonne organisation des magnaneries, à la simplification des procédés de la filature et du moulinage, qui, même après les notables améliorations réalisées depuis quarante années, sont loin des perfectionnemens de nos autres industries textiles[1].

L’éducation des vers à soie et la filature occupent dans le Gard, dans les arrondissemens d’Uzès, du Vigan, et principalement dans celui d’Alais, un nombre de bras plus considérable qu’en aucun autre district du midi de la France. Les ouvraisons sont au contraire plus multipliées dans l’Ardèche, aux environs de Viviers[2]. Partout dans

  1. Le système de moulinage adopté par les Anglais est plus simple que le nôtre, et il en résulte que les fils moulinés coûtent moins cher en Angleterre qu’en France.
  2. Après le Gard, placé en première ligne sur l’échelle de nos départemens sérifères, viennent la Drôme, l’Ardèche, Vaucluse, l’Hérault, l’Isère, etc. Aucun pays ne produit de meilleures soies que la France, mais elles reviennent à un prix plus élevé qu’en beaucoup d’autres lieux. Notre production ne suffit pas d’ailleurs aux besoins de nos fabriques ; nous tirons le supplément qui nous est nécessaire de la Sardaigne principalement, et puis des autres états de l’Italie, de la Suisse, de l’Espagne, de la Turquie, etc.